New York, 6 pm.
Je suis sortie de la ville. Week-end à Boston. La dernière fois que j'ai eu affaire au comptoir rouge du Fung-Wah, à Chinatown, c'était en 2007. Rien n'a changé. La chinoise dans sa petite cabine est toujours la même. Elle signe toujours le papier et le tamponne, sans répondre aux questions qu'on peut lui poser, fait le même signe de la main signifiant '' Suivant ''. Les chaises en plastique sont toujours là, elles aussi, toujours dépareillées, toujours un peu bancales. Le trajet était moins long que prévu, merci maman de m'avoir appelé, merci McDo de m'avoir nourrie.
La première chose qui m'a frappée à Boston est que le métro n'est pas 24/24. J'avais presque oublié que New York était une exception, et que j'avais toujours vécu dans des villes dont le métro ne fonctionnait pas toute la nuit. Puis la taille, l'envergure des choses: Les wagons étaient minuscules, les quais vides. La première fois en trois mois que je me retrouvais presque seule dans le métro.
Aussitôt arrivées, entraînées dans une fête : Beer pong, chaleur étouffante et match de football au mur. Les maisons des étudiants étrangers sont vides. Bien trop grandes, dénuées de meubles. A New-York, on loue des placards à balais pour vivre dedans, à Boston, il y a trop d'espace, et ce trop plein d'espace n'est pas rassurant. Boston n'est pas une ville rassurante en général; sur le campus on trouve des bornes d'urgence tous les cents mètres, il suffit de presser un bouton pour que la police du campus rapplique dans la minute, au cas où un camarade insistant essaierait de te violer, par exemple.
Après avoir joué les touristes la journée, pleurniché un peu à Harvard, la nuit tombe, échauffement chez un étudiant international dans une de ces petites maisons aux murs blancs. Après un before composé de céréales, de lait, et Jack Daniel's sur une écharpe, direction les mods. Apparemment, ce sont dans les mods qu'ont lieu les meilleures fêtes. Les mods. De petites maisons sur le campus, réservées aux séniors, les 4ème année. Toutes construites sur le même modèle, elles ressemblent à des maisons en carton pâte. La sensation se confirme à l'intérieur lorsqu'on sent le sol trembler. Derrière chaque mod il y a un petit barbecue, une table de jardin, sûr que de jour ça doit avoir l'air convivial et tout.
Le fonctionnement est assez simple: On entend de la musique, on frappe à la porte, on entre, et on se fond dans la masse, on mange et boit. Un mec habillé en Tigrou enlace une licorne. Des filles dansent, nous offrent le retour des gestes et des poses lascives de droite à gauche, le tout dans des leggings zèbrés et mini jupes léopard, au choix. Le thème est animal ce soir. Tout le monde a son petit gobelet rouge et les garçons se collent aux filles, les filles se frottent aux garçons, au rythme de Justin Bieber.
Les fêtes dans les mods ne durent jamais longtemps. Bientôt un policier à vélo va se rendre compte qu'il y a un peu trop de monde devant la petite maisonnette. Il laissera place à une moto, qui constatera qu'il y a aussi un peu trop de bruit. Puis la voiture de police se chargera d'éteindre la musique et de chasser tout le monde, la fête est finie.
Un autre mod, la cafétéria, puis on rentre en attrapant de justesse une navette. La navette qui assure une connexion à la bibliothèque jusque très tard dans la nuit, mais d'après la mine déconfite de certains, et les robes trop courtes d'autres, ce soir, il n'ont pas bossé leurs midterms.
Boston me pose problème. Je l'ai aimée pour ses bibliothèques, ses bâtiments, je l'ai aimée pour les affinités que j'y ai confirmées, mais il y a l'autre côté du miroir. Les amphithéâtres, les colonnes doriques, ioniques qui m'avaient émue la journée, laissent place la nuit au festival des douchebags, à leurs gobelets rouges, leur beerpong et leur danse vulgaire et monotone.
Dans le Fung-Wah du retour, en essayant de faire abstraction du couple de gays à ma gauche, et au vieux qui me dévisageait à droite, je sentais avec certitude que je ne m'étais pas trompée en choisissant New York.