avant tout, apologies to vadim, parce que je vais parler politique.
enfin, je sais qu'il va me pardonner parce qu'il sait que je m'en balance un peu, de la politique, que pourtant la politique du pays où je suis est très particulière, que je vais pas me fatiguer à donner une mauvaise analyse de quelque chose dont je ne saisis que le millième de la culture et que cette fois j'ai un bon prétexte pour commencer l'article.
j'ai passé le début de ma soirée au vernissage d'une des plus grandes galeries d'art de shanghai, avec un ami de la fac, et j'y ai croisé deux autres amis, dont l'un travaille directement dans le domaine de l'art. ils disent toujours que les vernissages finissent à huit heures, mais ils se contentent de mettre tout le monde gentiment à la porte autour de neuf heures et demie. d'habitude. cette fois-ci, les lumières se sont éteintes d'un coup, puis rallumées, puis éteintes à nouveau et tout le monde s'est dirigé dehors, un peu interloqué, sauf les amis du galeriste qui voulaient savoir ce qui se passaient. quelques minutes plus tard, on m'a dit que je-ne-sais-quel bureau avait décidé de fermer la galerie définitivement. c'est bizarre, parce que, bon, l'expo en soi était, sans être médiocre, hein, loin de là, très très inoffensive, parce qu'elle parlait de la place de la femme dans la société moderne en exposant des rouges à lèvres géants en mousse. big deal. sauf que, apparemment, c'est à cause de l'expo d'avant. heu, non, de l'expo d'avant l'expo d'avant. avant même que j'arrive à shanghai, donc. il a suffi que le bureau en question jette son dévolu sur une galerie tout ce qu'il y a de plus exemplaire pour décider de faire un exemple de son pouvoir. "vous déconnez pas le moins du monde, mais vous avez pas intérêt à commencer".
c'est la première fois que je me suis retrouvé physiquement confronté à un régime autoritaire, qu'il surgissait des livres pour aller se ficher dans ces portes qu'on fermait et ces regards pleins de lassitude qui disaient "bon, ok, d'accord". parce que ça s'est passé très normalement, personne ne s'est indigné, on nous a juste dit que c'était comme ça, qu'on ne pouvait rien faire. enfin, qu'eux ne pouvaient rien faire parce qu'ils étaient chinois, mais que nous pouvions faire quelque chose. nous devrions aller sur la place du peuple pour manifester contre un usage abusif et stupide de la censure, parce que nous sommes blancs et que la chine ne voudrait pas de publicité. mais bon, personne n'aura les couilles. personne n'a les couilles parce que, bon, en fin de compte, on n'en n'a pas besoin pour la vie de tous les jours. donc on se contente de ne pas trop regarder les gardes rouges à l'entrée du métro, de voir les clubs de jazz pulluler parce qu'on ne peut pas censurer si il n'y a pas de paroles, de se demander secrètement pourquoi est-ce qu'on ne lit jamais dans les journaux "40 KILLED IN TRAIN ACCIDENT", et de se contenter de signer gentiment la page du contrat entièrement consacrée à ce qu'il ne faut pas raconter vis-à-vis de taiwan.
je pensais que c'était vivable, je pensais que c'était exagéré par la presse occidentale, je pensais que ce chinois ivre qui m'expliquait qu'il n'y a pas de caractère exact en mandarin pour "liberté" était juste hypnotisé par un rêve de pays parfaitement gouverné du côté du méridien de greenwich. mais, non, je finis par le comprendre. le vrai problème qu'on a ici, c'est qu'un milliard et demi de personnes finissent par s'habituer à cet autoritarisme "modéré". il ne se passe rien de trop évident donc, bon, life goes on. on est habitué à ne pas pouvoir faire certaines choses, soit, life goes on. puis quand il se passe vraiment quelque chose de sérieusement choquant et que personne n'accepte, ah merde, tant pis, life goes on.
quasiment personne ne veut vraiment faire quoi que ce soit pour changer ça, on veut juste faire de l'argent.
enfin, c'est ma vision à moi, ça ira peut-être mieux demain.
Superbe article : "bravo" - ou "tiens bon" ou "toutes mes condoléances" ou "va te mettre une mine ça ira mieux demain".
ReplyDeleteBig Brother is now following you on Twitter.
ReplyDeleteC'était où? A Moganshan lu ? Raconte-moi cette histoire en détails, c'est passionnant, au regard des lectures pour mon mémoire. "Life goes on" est une phrase parfaite pour résumer la vie d'un "expat" ici (ou là, je ne sais même plus.)
ReplyDeletedude, +10 quoi. Le chinois se pose pas de question et fait de la thune, et quand il est milliardaire il se pose pas sous les cocotiers mais continue à faire de la thune pour faire de la thune et crève éreinté à 65 ans.
ReplyDeleteWell, Chinese people tried something in 1989 but that ended in bloodshed. It's easy to say foreigners can demonstrate, but you're also risking the safety of the gallery (and especially the staff inside).
ReplyDeleteIt's one thing to risk everything in an Important Moment; it's quite another to risk everything without any strategy.
BTW OV just had three pieces of art taken down by the Cultural Bureau.
Bel article !
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