Monday

post-math/prog rock

alors, oui, je sais qu'on est un peu flemmards et que, même si j'ai une très bonne idée d'article, je ne me suis pas encore pris par la main pour le taper. pourtant, j'ai pensé à un truc, dans le bus. la plupart de mes lecteurs, je peux les imaginer dans leur habitat naturel (paris, lille, bordeaux, new-york, hong-kong et même un peu montréal), mais vous ne savez pas du tout à quoi ressemble mon quotidien.

en rapport avec mon envie de vous décrire prochainement ce que je fais de mes soirées (il va falloir jouer serré, y'a ma sainte mère qui me lit), je vous donne le lien de la lecture en ligne de soundbites, un album photo publié l'année dernière sur la scène indie de shanghai.

Tuesday

don't get lost in heaven

donc jeudi je suis parti à hong kong, avec la compagnie aérienne la plus low-cost d'un des pays les plus low-cost du monde, où ils facturent la place pour les jambes, les sourires des hôtesses et la politesse des deux petites adolescentes qui ont passé deux heures et demie à parler de mes cheveux (je sais, il faut que je les coupe, mais j'ai pas encore vingt ans, bordel). jeudi soir, deux heures après l'ETA, j'ai retrouvé claire qui (un peu de reconnaissance, hardi petit), a été une hôte impeccable pendant cinq jours, en plus d'être une cuisinière dévouée (et hop, c'est fini les credits, on revient à la ville).
parce que, oui, la ville. plus je voyage seul (i.e. sans ma sainte mère), plus j'aime les villes avant les habitants, les bâtiments avant les passants et les transports avant les conducteurs. donc hong kong est une ville jaune (jeu de mots facile assorti d'un doigt d'honneur aux abrutis qui rigolent parc qu'ils se limitent encore aux stéréotypes des guerres d'opium), une ville jaune, donc, depuis les pavés de chaque rue bondé, jusqu'au safran qui inonde les stands de bouffe indienne en passant par les contours de chaque néons de chacune de ces enseignes qui, parfois, ne désignent plus grand'chose tant elles se bousculent au-dessus de nos têtes. l'architecture est très gentille, très retenue, avec les beaux buildings en verre qu'on attend de la ville la plus riche de chine, les petites ruelles étroites avec des businessmen qui passent des coups de fils et des descendants de coolies qui poussent des sacs d'on-ne-sait-quoi qu'on attend d'une ville qui veut ressembler aux villes les plus riches d'europe, et un entre-deux qui n'est ni de bon goût, ni de mauvais goût, une pirouette étonnante entre les bâtiments coloniaux et les blocs résidentiels. c'est dépaysant par les clichés qu'on y trouve, parce qu'on s'y attend, mais ça me laisse parfois le sentiment déprimant que tous les caucasiens du monde y ont passé une sorte de marché officieux "ok, ouais, on va blinder ton île de thunes, on te laisse pas tomber au mains du président mao, mais en contre-partie, t'es gentille, tu fais comme si on se sentait à la maison, avec juste une touche de pittoresque (pittoresque qui servait originellement à qualifier un type de paysage-type qui était copié sur un tableau et servait de "cartes postales exotiques" pour les riches du XVII° [tu me corriges si je me trompe, hein, maman] -bref, un cliché en plus gentil)". alors, oui, évidemment, c'est très agréable de s'y promener, c'est délicieux de prendre un ferry plutôt qu'un métro, c'est reposant de ne pas avoir à se battre pour faire la queue, c'est charmant de grimper le long d'une colline pour s'extasier devant une vue que je n'aurais imaginée nulle part au monde; mais c'est pas très excitant.
hong kong est une ville minuscule (dans les rames de métro, là où ne rentre d'habitude que le plan de la ligne sur laquelle on est, ils arrivent à mettre le plan du réseau entier. plus les trains qui vont à l'aéroport et à disneyland), parce que hong kong est arrivée à ses fins, elle est devenue riche et belle et de bon goût, et elle se contente désormais de ne pas sombrer sous le joug communiste en essayant de remplacer tous les mainland chinese par des caucasiens (sans déc', j'avais jamais vu autant de blancs dans une ville d'asie, on se croirait en gironde). elle n'a plus rien à prouver, juste à être à la hauteur de sa réputation pour les familles nombreuses, les étudiants qui veulent pas admettre qu'ils ont peur de la rpc mais qui veulent quand même frimer quand ils seront de retour au bled (non, je ne parle pas de toi, claire, ni de tes potes, mais de certains types de ta fac et de certains types que j'ai rencontré dans la rue) et surtout pour les groupes de chinois venus admirer ce qu'ils ont raté pendant cinquante ans. hong kong est un nom qui fait rêver, et la ville joue parfaitement le jeu. si j'avais tout l'argent du monde, elle serait probablement dans mon top 3, pour l'instant.
sauf que non, j'ai pas tout l'argent du monde, j'exècre l'idée de monter un business avec les cheveux courts et les dents brillantes pour me retrouver à rester au sheraton en voyages d'affaires, j'ai pas encore vingt ans, je mets pas ma chemise dans mon pantalon, et j'ai déjà vécu au bouscat, hein, les petites villes, ça me connaît. alors même si hong kong était une super idée (surtout grâce au concert de gorillaz) pour passer un week-end au CHAUD, j'ai pas arrêté de sourire du moment où j'ai atterri, jusqu'à ce que je mange mon riz frit en demandant à internet tout ce qu'il y a à faire en dehors des cours cette semaine. ouais, hong kong est la ville qui a réussi, mais shanghai est la ville qui essaie encore, même si elle fait parfois n'importe quoi et que ça nous donne envie de nous tirer une balle. j'ai pas envie de profiter du beau temps en permanence, quoi, je veux mériter mon printemps après la grisaille de l'hiver (dans ma tête, cette métaphore sonne très bien, mais je ne vous en veut pas si vous la trouvez ridicule).

donc, hk c'est bien, mais je suis heureux d'avoir choisi shanghai.

Monday

Le festival des douchebags

New York, 6 pm.

Je suis sortie de la ville. Week-end à Boston. La dernière fois que j'ai eu affaire au comptoir rouge du Fung-Wah, à Chinatown, c'était en 2007. Rien n'a changé. La chinoise dans sa petite cabine est toujours la même. Elle signe toujours le papier et le tamponne, sans répondre aux questions qu'on peut lui poser, fait le même signe de la main signifiant '' Suivant ''. Les chaises en plastique sont toujours là, elles aussi, toujours dépareillées, toujours un peu bancales. Le trajet était moins long que prévu, merci maman de m'avoir appelé, merci McDo de m'avoir nourrie.

La première chose qui m'a frappée à Boston est que le métro n'est pas 24/24. J'avais presque oublié que New York était une exception, et que j'avais toujours vécu dans des villes dont le métro ne fonctionnait pas toute la nuit. Puis la taille, l'envergure des choses: Les wagons étaient minuscules, les quais vides. La première fois en trois mois que je me retrouvais presque seule dans le métro.

Aussitôt arrivées, entraînées dans une fête : Beer pong, chaleur étouffante et match de football au mur. Les maisons des étudiants étrangers sont vides. Bien trop grandes, dénuées de meubles. A New-York, on loue des placards à balais pour vivre dedans, à Boston, il y a trop d'espace, et ce trop plein d'espace n'est pas rassurant. Boston n'est pas une ville rassurante en général; sur le campus on trouve des bornes d'urgence tous les cents mètres, il suffit de presser un bouton pour que la police du campus rapplique dans la minute, au cas où un camarade insistant essaierait de te violer, par exemple.

Après avoir joué les touristes la journée, pleurniché un peu à Harvard, la nuit tombe, échauffement chez un étudiant international dans une de ces petites maisons aux murs blancs. Après un before composé de céréales, de lait, et Jack Daniel's sur une écharpe, direction les mods. Apparemment, ce sont dans les mods qu'ont lieu les meilleures fêtes. Les mods. De petites maisons sur le campus, réservées aux séniors, les 4ème année. Toutes construites sur le même modèle, elles ressemblent à des maisons en carton pâte. La sensation se confirme à l'intérieur lorsqu'on sent le sol trembler. Derrière chaque mod il y a un petit barbecue, une table de jardin, sûr que de jour ça doit avoir l'air convivial et tout.

Le fonctionnement est assez simple: On entend de la musique, on frappe à la porte, on entre, et on se fond dans la masse, on mange et boit. Un mec habillé en Tigrou enlace une licorne. Des filles dansent, nous offrent le retour des gestes et des poses lascives de droite à gauche, le tout dans des leggings zèbrés et mini jupes léopard, au choix. Le thème est animal ce soir. Tout le monde a son petit gobelet rouge et les garçons se collent aux filles, les filles se frottent aux garçons, au rythme de Justin Bieber.

Les fêtes dans les mods ne durent jamais longtemps. Bientôt un policier à vélo va se rendre compte qu'il y a un peu trop de monde devant la petite maisonnette. Il laissera place à une moto, qui constatera qu'il y a aussi un peu trop de bruit. Puis la voiture de police se chargera d'éteindre la musique et de chasser tout le monde, la fête est finie.

Un autre mod, la cafétéria, puis on rentre en attrapant de justesse une navette. La navette qui assure une connexion à la bibliothèque jusque très tard dans la nuit, mais d'après la mine déconfite de certains, et les robes trop courtes d'autres, ce soir, il n'ont pas bossé leurs midterms.

Boston me pose problème. Je l'ai aimée pour ses bibliothèques, ses bâtiments, je l'ai aimée pour les affinités que j'y ai confirmées, mais il y a l'autre côté du miroir. Les amphithéâtres, les colonnes doriques, ioniques qui m'avaient émue la journée, laissent place la nuit au festival des douchebags, à leurs gobelets rouges, leur beerpong et leur danse vulgaire et monotone.

Dans le Fung-Wah du retour, en essayant de faire abstraction du couple de gays à ma gauche, et au vieux qui me dévisageait à droite, je sentais avec certitude que je ne m'étais pas trompée en choisissant New York.

Friday

je suis au bartini du w hotel, sur la place victoria, qui a une arche de metro parisien au milieu. c'est censé être the new shit in town dans la catégorie design, l'hôtel, mais c'est surtout the new shit in town dans la catégorie des new shit in town surestimées, c'est juste sombre et censé être tendance mais c'est surtout moche, mais le bar tini est sobre. je parle anglais avec le barman et je commande un verre de jack, sans glace, et quand il me demande si je le veux double, j'ai comme un malaise parce qu'il met bien le doigt sur le fait qu'il y a un truc chelou à boire un whisky à 4pm. j'suis pas sorti depuis deux semaines, j'attendais un virement qui arrivait pas et j'ai voulu faire d'une pierre deux coups, en voyant l'hôtel et en buvant un verre. je lui dis que simple suffira. retour dix jours en arrière où j'ai bouffé un kilo d'hagen dazs que j'ai mis sur le compte d'un coup de blues. il m'a servi des cachuètes ce qui faisait un peu moins glauque et j'ai piraté le wifi de l'hotel en me faisant appeler jack london puis je suis descendu sur le vieux port dans le froid et la grisaille du ciel nuageux, j'ai regardé les cargos et snobé une sondeuse, j'aime vraiment le vieux port et ses énormes monstres flottant rouillés puis j'ai remonté la rue sainte catherine, fait un stop au saq, puis je suis rentré à la maison boire encore un verre en regardant les fous du volant.

j'ai fêté halloween avec un masque de jfk, déguisement de feignasse assez efficace, rencontré des gens très cools au cours d'un open bar et d'une house party noyés d'alcool et c'était agréable de prendre une vraie grosse caisse.

je bosse, j'ai jamais eu d'aussi bonnes notes et je m'échine sur thomas pynchon. la belle vie saine, et ça ça n'a pas de prix.

il neige toujours pas, et je me fous du froid, j'ai un gros manteau.

Faire face

New-York, 2.14 PM

Fais attention à être bien assise pour ne pas trop froisser ta jupe en soie. Dans trois heures tu vas te faire cuisiner par une DRH qui sait pertinemment que tu pourrais sacrifier ton petit frère, ou un mouton, pour décrocher ce stage. T'as le profil, autrement elle ne t'aurait pas appelée, ne sois pas stupide. Débarrasse-toi de ce noeud dans ton estomac. Respire. Ton coeur bat trop vite, bien trop vite depuis ce matin. Il va sortir de ta poitrine, et ca ne sera pas joli; Il bat encore plus vite que la fois où t'as bu du red bull, du coca et pris des guronsan. T'as pas l'air maline là, respire Ibtissame, ça va aller. Tu vas sortir du bureau à 16.45, héler un taxi, un qui a la petite lumiere du milieu allumée, ça ne sert à rien d'être ridicule avec ton bras en l'air pendant des heures, t'es pas dans une série. Un cabbie indien va s'arrêter, tu vas monter dedans, bien articuler SEVEN-TY TWO SPRING STR-EET et tu vas t'accrocher à la poignée au plafond, essayer de te souvenir de comment tu t'appelles, de quel pays vient cet accent, et des références sur le CV que tu vas tendre à la nana en souriant. N'oublie pas le pourboire en descendant surtout, et puis souris. On s'en fout que le vent t'aie décoiffée. Tu vas y aller, et tu vas faire face. Parce que si tu te foires, tu te diras que t'auras essayé.

Tuesday

tout va bien, rien ne se passe.

comme ça fait dix jours qu'il ne semble pas se passer grand chose autour du monde, je vais parler du remaniement à l'élysée.

ouais, nan, j'rigole, on n'en n'est pas à ce point.

l'automne, ici, semblait être à l'image de la ville, un automne qui n'avait plus grand chose à voir avec l'idée qu'on se fait de l'automne, un automne façonné par les fusées chimiques qui font qu'on a un ciel bleu une fois tous les trois jours, entouré des tours jamais tout à fait grises, jamais tout à fait belles, avec des feuilles qui tombent si rarement qu'on fait attention à chacune d'entre elles. c'était un automne qui n'avait pas beaucoup de sens, avec des personnes en chemises et en t-shirts qui achetaient déjà les pendentifs et les feux d'artifices du nouvel an, un vent parfois trop fort pour penser à quoi que ce soit, et parfois si faible qu'on regrettait qu'il ne nous fouettât pas le visage quand on marchait calmement dans la rue. les terrains de foot que je croisais chaque matin de l'autre côté de la vitre de mon bus n'étaient pas givrés, ils ont toujours été mal peints, avec des taches blanches ici et là. chaque soir, je croisais des gens qui se frottaient les mains de la même manière qu'ils le faisaient en août, pour la circulation du sang, la médecine préventive orientale et al. les enfants sont encapuchonnés, embonnetés, encouverturés parce qu'ils sont fragiles, mais les autres se contentaient d'une veste, parfois, parce qu'ils n'étaient pas concernés.
ça, c'était hier. aujourd'hui, il fait vraiment froid, les vendeurs d'écharpes commencent à marchander sec parce qu'ils sont en position de force, on marche les mains dans les poches et, de temps à autre, on plisse les yeux quand on est pris dans une bourrasque venue d'autre part, venue de la mer, et qui nous rappelle quand même que la ville vit sur la mer. les arbres sont devenus des bouquets ocres sans crier gare, et chaque allée du campus est devenue une haie d'honneur, bordée de chaque côté par des feuilles de marronniers. les enfants se mettent à courir partout pour en faire des bouquets et les garder pour eux, accroupis devant leur grand-père qui attend, les yeux dans le ciel clair, les mains derrière le dos. des soupirs de vapeur huilée surgissent des échoppes à chaque coin de rue et les nouilles te réchauffent enfin.
j'ai entendu dire quelque part qu'il existe une loi qui interdit à chaque ville au sud du yangtse d'avoir des conduites en je-ne-sais quel métal, enfin, celui qu'il faut pour faire des obus et fondre des canons. donc il était interdit jusqu'à récemment d'avoir un chauffage central dans les immeubles. donc il fait presque aussi froid dedans que dehors, donc personne ici ne se rue jusqu'à sa porte pour enlever son manteau et son pull, et ça me fait vraiment plaisir. pas parce qu'on va se les geler, mais parce que je vais enfin vivre dans une ville où il y a une vie pendant l'hiver, où on ne subit pas le froid, où on se contente de faire avec, d'attendre que ça passe. rien ne va changer, tout sera juste plus précis, plus vif, les arêtes de chaque bloc de béton seront plus présentes et les grincements de ces vélos qui n'ont plus d'âge seront plus aigus.
il n'y aura pas de neige parce qu'il faut pas déconner, non plus, y'a trop de particules étranges dans l'air pour que puissent se former des flocons, mais c'est pas grave, ça démarque encore un peu de l'europe (on se raccroche à ce qu'on peut), ça nous laisse espérer que, si noël envahit les vitrines, personne ne se sentira concerné parce qu'on marchera sans se presser, sérieux, les sourcils froncés, trop occupé à nous figurer ce qu'il faut prévoir pour le vrai nouvel an, avec les pétards qu'on fera exploser, et une joie qui ne les fait pas sourire, mais qui, quelque part, fait éclater dans le ciel qu'ils sont à jamais différents.

Saturday

je ne risque pas la prison

avant tout, apologies to vadim, parce que je vais parler politique.

enfin, je sais qu'il va me pardonner parce qu'il sait que je m'en balance un peu, de la politique, que pourtant la politique du pays où je suis est très particulière, que je vais pas me fatiguer à donner une mauvaise analyse de quelque chose dont je ne saisis que le millième de la culture et que cette fois j'ai un bon prétexte pour commencer l'article.

j'ai passé le début de ma soirée au vernissage d'une des plus grandes galeries d'art de shanghai, avec un ami de la fac, et j'y ai croisé deux autres amis, dont l'un travaille directement dans le domaine de l'art. ils disent toujours que les vernissages finissent à huit heures, mais ils se contentent de mettre tout le monde gentiment à la porte autour de neuf heures et demie. d'habitude. cette fois-ci, les lumières se sont éteintes d'un coup, puis rallumées, puis éteintes à nouveau et tout le monde s'est dirigé dehors, un peu interloqué, sauf les amis du galeriste qui voulaient savoir ce qui se passaient. quelques minutes plus tard, on m'a dit que je-ne-sais-quel bureau avait décidé de fermer la galerie définitivement. c'est bizarre, parce que, bon, l'expo en soi était, sans être médiocre, hein, loin de là, très très inoffensive, parce qu'elle parlait de la place de la femme dans la société moderne en exposant des rouges à lèvres géants en mousse. big deal. sauf que, apparemment, c'est à cause de l'expo d'avant. heu, non, de l'expo d'avant l'expo d'avant. avant même que j'arrive à shanghai, donc. il a suffi que le bureau en question jette son dévolu sur une galerie tout ce qu'il y a de plus exemplaire pour décider de faire un exemple de son pouvoir. "vous déconnez pas le moins du monde, mais vous avez pas intérêt à commencer".

c'est la première fois que je me suis retrouvé physiquement confronté à un régime autoritaire, qu'il surgissait des livres pour aller se ficher dans ces portes qu'on fermait et ces regards pleins de lassitude qui disaient "bon, ok, d'accord". parce que ça s'est passé très normalement, personne ne s'est indigné, on nous a juste dit que c'était comme ça, qu'on ne pouvait rien faire. enfin, qu'eux ne pouvaient rien faire parce qu'ils étaient chinois, mais que nous pouvions faire quelque chose. nous devrions aller sur la place du peuple pour manifester contre un usage abusif et stupide de la censure, parce que nous sommes blancs et que la chine ne voudrait pas de publicité. mais bon, personne n'aura les couilles. personne n'a les couilles parce que, bon, en fin de compte, on n'en n'a pas besoin pour la vie de tous les jours. donc on se contente de ne pas trop regarder les gardes rouges à l'entrée du métro, de voir les clubs de jazz pulluler parce qu'on ne peut pas censurer si il n'y a pas de paroles, de se demander secrètement pourquoi est-ce qu'on ne lit jamais dans les journaux "40 KILLED IN TRAIN ACCIDENT", et de se contenter de signer gentiment la page du contrat entièrement consacrée à ce qu'il ne faut pas raconter vis-à-vis de taiwan.

je pensais que c'était vivable, je pensais que c'était exagéré par la presse occidentale, je pensais que ce chinois ivre qui m'expliquait qu'il n'y a pas de caractère exact en mandarin pour "liberté" était juste hypnotisé par un rêve de pays parfaitement gouverné du côté du méridien de greenwich. mais, non, je finis par le comprendre. le vrai problème qu'on a ici, c'est qu'un milliard et demi de personnes finissent par s'habituer à cet autoritarisme "modéré". il ne se passe rien de trop évident donc, bon, life goes on. on est habitué à ne pas pouvoir faire certaines choses, soit, life goes on. puis quand il se passe vraiment quelque chose de sérieusement choquant et que personne n'accepte, ah merde, tant pis, life goes on.
quasiment personne ne veut vraiment faire quoi que ce soit pour changer ça, on veut juste faire de l'argent.




enfin, c'est ma vision à moi, ça ira peut-être mieux demain.


Monday

joyce carol oates

bon donc ouais.

salut bonsoir bisous.

j'ai fini mes vacances, je suis rentré en cours après un week-end d'halloween über mouvementé et assez finement assaisonné d'alcool avec des twittos et du jack et de la vodka aussi et à un open bar complètement teinté de n'importe quoi et des retours en tacos bref. j'ai dormi 3h hier, sans trop savoir si c'est le contrecoup du décalage de la nuit d'avant ou une grosse session d'insomnie ou quoi que ce soit, mais j'ai envie de dire, qui s'en fout?

je suis allé à toronto la semaine dernière. bus de nuit et compagnie. j'ai fait un aller-retour à niagara falls, un lundi un peu gris. c'est marrant parce que le centre est un disneyland avec mille palais des merveilles ou des horreurs ou des records et la périphérie une ville morte bloquée en 1980, le genre de ville qu'on imagine américaine et du midwest, désertée après la fermeture de l'usine, avec tous ses magasins fermés, abandonnés plutôt, et ses maisons délabrées, et temple du mauvais goût, malgré une jolie bibliothèque pas mal fournie et une diffusion du rocky horror picture show pour halloween.

les chutes sont proprement impressionnantes, passées le dégoût qu'inspire la ville, et ouais, j'ai passé une bonne heure à les regarder sans même écouter mon ipod, avec les yeux sur la crète des rochers où l'eau change de couleur avant d'aller se vautrer bien plus bas, en pensant à tous ceux qui s'y étaient suicidé, parce que je suis un mec happy. après, burger king avec deux serveuses piercées et aux cheveux courts sûrement lesbiennes et au bord du suicide à force d'ennui.

toronto, petit new york qu'on dit, genre new york sans couilles. leur times square, dundas square, est atrophié, et à 6h30, à part des clochards endormis sur les trottoirs, les publicités ne marchaient pour personne, contrairement à la ville qui ne dort jamais (haha). un dimanche y'a rien d'ouvert ou presque avant neuf heures mais bon j'ai pu bouffer des pancakes avec café en refill automatique et gratuit (moins de deux dollars la tasse d'eau noire), et me balader sous la flotte. le côté c'est beau une ville la nuit, franchement, le mec a jamais visité les abords d'une gare routière je pense, tant toute la lie de l'humanité s'y mélange aux voyageurs/travailleurs qui font comme s'ils ne la voyaient pas. voilà. j'ai lu les corrections, et commencé un pynchon, c'était bien, écouté mr west, et me suis balader à pied pendant des heures et trois jours, vu un banksy, un vrai, en vrai, sur un mur, pris des photos avec un 6mp tout pourri et voilà, j'ai bu du bon vin et bien bouffé et tout et ça valait le coup, j'étais plutôt bien.

out of the blue

oui, ça devait arriver, forcément, ça arrive toujours à tout le monde à un certain point. j'ai eu ma première vague de nostalgie, homesickness, tacoburrito (je sais pas comment on dit en espagnol et il me fallait une troisième langue pour que ça sonne bien, mais avec la parenthèse ça sonne mal).
il fait froid, dehors, une petite dizaine de degrés qui suffit à faire rentrer les mains dans les poches et les mentons imberbes dans les cols, et je suis descendu acheter un bol de nouilles frites, parce que c'est bon et que ça coute cinquante centimes, et un bol de riz frit, parce que ma coloc a trop la flemme de faire 500 mètres. je mets mon casque dans l'ascenseur, toujours dans l'ascenseur, et je choisis généralement la musique quand je suis dans le hall d'entrée. dans l'immédiat, je voulais finir mon album de carsick cars, le groupe de l'avenir. ce qui me fait deux chansons. c'est exactement le temps de traverser le parc de la résidence, remonter les trente mètres de guangfu xi lu, et tourner sur dongxin lu (ouais mon adresse c'est dongxin mais j'habite sur guangfu xi, this is china). et puis j'ai changé d'album. j'ai mis my friends all died in a plane crash, de cocoon, le truc qui fait très mélanco-emo et qui est sorti l'année du bac. je sais, je sais, moi non plus je ne m'attendais pas à être un peu saisi aux tripes par ce genre de truc. mais le fait est là: j'ai passé mon hiver de terminale à l'écouter, et mon printemps/été de bachelier à me réveiller chez arthur, chez baptiste, chez d'autres, à me lever avec les légères gueules de bois qui rendent tout éthéré, la clope du matin-chagrin et cette album en bande-son, easy listening.
alors, voilà. au son des premières notes, j'ai regretté un peu tout ça. le sans-souci dans les maisons de province quand il fait beau et chaud et bleu, le rangement des tables basses sans avoir de conversation qui tienne la route, la route pour rentrer chez moi en sachant que je vais retrouver mes potes dans deux heures, la problème du hamac qui va se monter tout seul ou pas, le bruit de la ville qui n'existe pas, cette atmosphère irréelle des dix huit dix neuf vingt ans qui dureront à jamais parce qu'on n'a pas besoin d'aller en cours, on n'a pas besoin d'aller à des vernissages, pas besoin de sortir rencontrer de nouvelles têtes, pas besoin de rentrer parce qu'on doit étendre son linge, pas besoin de quoi que ce soit, on n'était pas sérieux, on n'était pas tristes, on était. c'était un peu ma vie dans mes écouteurs.
j'ai fini par arriver dans cette rue qui n'a pas de nom et pas de pavés, devant le mec qui fait les nouilles, un type de vingt ans, beau comme un dieu, plus de charisme que n'importe qui, et lui et son pote m'ont souri, ils savaient déjà ce que je voulais. je leur ai dit bonjour en enlevant mon casque, et shanghai m'a sauté au cou. dans le vent, il y avait les enfants qui jouaient, les vendeurs de clémentines qui somnolaient, les soldats qui défilaient en tenant leurs xiao long bao du soir, les coiffeurs qui attendaient près de la porte, le métro qui faisait vibrer le ciel, les voitures qui ne regardaient où les mobylettes allaient et les mobylettes qui ne regardaient pas où les voitures allaient. les herbes frémissaient de joie dans la poële, et je me suis dit: je vais diner sur les marches de la promenade qui donne sur la rivière en regardant passer les taxis, et puis je vais rentrer chez moi et ne rien faire pendant trente minutes, et puis je vais prendre mon métro pour aller voir un concert, erik sera peut-être là, chachy aussi, il faut que je lui reparle de ce groupe, et paul, paul ne m'a pas envoyé son article, et adam me dira bonjour de loin avec sa copine qui ne se souvient jamais de moi, et la cougar qui m'a demandé mon nom l'autre jour, et je rentrerai à pied, je ferai peut être un crochet par le c's pour croiser elsa et coller quelques stickers, et je filmerai tout ça et je serai bien, j'aurai pas besoin de bière ou de quoi que ce soit, pas besoin de souvenirs, je serai bien là, maintenant.
pour le reste, on verra plus tard.

Sunday

hier soir on a eu notre première bonne grosse tempête de neige. bisous.

(j'ai des keutru à dire mais la flemme, donc cya later, alligatueur.)

Friday

HAI-fucking-BAO

si la chine a pris le contrôle du monde quand ils tourneront la suite de ghostbusters, il est probable que le grand bill murray se retrouve à chasser un truc bleu, avec des grands yeux, pas de nez, une drôle de bouche et une mèche qui fait penser à un tintin métrosexuel. parce que c'est haibao, la mascotte de EXPO 2010 SHANGHAI CHINA (le nom officiel du truc), et que c'est aussi dégueulasse qu'un fantôme étrange.
j'ai lu un jour ce que ça voulait dire, haibao, et pourquoi est-ce qu'il était bleu et moche, mais c'était une mauvaise adaptation de philosophie traditionnelle par le bureau du contrôle de la culture donc j'ai oublié, et le fait que je parle de haibao, c'est juste histoire de trouver un incipit divertissant à mon post sur EXPO 2010 SHANGHAI CHINA.
premier point: si tu ne vas pas à EXPO 2010 SHANGHAI CHINA, EXPO 2010 SHANGHAI CHINA viendra à toi (c'est chiant à lire, hein ? c'est aussi chiant à taper, mais je vous met dans le bain). en gros, haibao est partout, le logo est partout, cette même photo du pavillon chinois, de trois quart, est partout, et mon jeu préféré quand je suis dans le bus, qu'il est à l'arrêt et que je m'ennuie, c'est de trouver, sans incliner la tête, une quelconque allusion à l'expo. et y'en a vraiment partout: devantures de magasins, publicités sur les écrans de télé, stickers sur les scooters, posters sur les murs entourant les chantier, porte-clés pour étudiants, bus spéciaux menant directement menant au site de EXPO 2010 SHANGHAI CHINA. un de mes potes a vu un gamin qui avait haibao dessiné par son coiffeur, sur le derrière de la tête aka jreprésente ma ville tu vois? sans bouger de ma chaise, par exemple, j'ai le logo expo sur un paquet de biscuit entamé et un haibao sur mon ticket pour EXPO 2010 SHANGHAI CHINA. donc voilà, c'est déjà relou avant même d'y aller.
suite à quoi, je cède aux pressions d'une rouquine qui est accessoirement ma coloc et qui a accessoirement des tickets gratuits et qui veut rentrer dans le pavillon français parce que la france c'est chébran quand t'es graduate d'une des meilleurs universités us. première chose que je vois en sortant de la bouche de métro: des flics. et puis des chinois. des milliers et des milliers de chinois qui se suivent entre eux pour rentrer dans le bus qui les a amenés ici depuis leur obscure province. tout le monde s'en va, on se dit qu'on va avoir plein de temps et qu'on aura pas besoin de faire la queue. un peu mon n'veu, qu'on doit faire la queue. au security check-point, où ils ont pris un de mes briquets parce qu'on a pas le droit de fumer à l'intérieur (ce dont les chinois se foutent), puis devant la carte pour s'orienter vers les pavillons, puis devant les points d'eau pour ne pas mourir, puis devant le pavillon français parce qu'apparemment je ressemble trop à un chinois. et à chaque autre pavillon, si j'avais eu la force d'y aller. topo rapide du pavillon cocorico, il est grand, carré, moche, avec de la vine vierge partout, des séquences des toits de paris qui défilent pour que les chinois prennent des photos devant, des séquences de à bout de souffle et de quai des orfèvres et de mauvais sang qui montre que les parisiennes ressemblent à binoche et qu'on sort tous les soirs prendre une suze à montparnasse. petit passage wtf sur la région paca qui montre qu'elle sait construire des trains. j'ai failli acheter des cannelés à la sortie mais ils mettaient de la crème chantilly dessus.
le reste du parc est immense, on croise plein de pays improbables, genre le lesotho et l'islande et la grèce, puis on marche sur une sorte de passerelle de deux kilomètres qui nous amène devant le pavillon de la MAINLAND CHINA AND PROVINCES. le truc a vraiment de la gueule, c'est immense, rouge, sur une colline et, pour vous donner une idée de l'échelle, on pourrait poser une tour eiffel sur son toit. sans déconner. mais il faut faire une heure et demie de queue pour rentrer donc fuck this, et on va au pavillon iranien parce que c'est ghetto mais ça valait rien, puis on fait un détour par la jordanie parce qu'à johns hopkins on ne vous apprend pas ce qu'est petra, et on finit par la corée du nord, qui puait encore plus que l'iran. et on est rentrés.

ça a pris quatre heures. pour ne rien faire, et voir des chinois. et voir des touristes. mais bon, je pouvais pas décemment rentrer et dire que j'étais pas allé à l'expo, parce que mon hipster-o-mètre aurait été over 9000.

Sunday

I see you in the morning

5 am

Samedi assez ordinaire, grasse matinée, Dowtown 81 à défaut de l'expo Basquiat à Paris, les galeries à Chelsea (dis-donc on est un peu artsy par ici), la recherche peu fructueuse d'un manteau à SoHo. L'été est fini, parti, envolé.

Programme de la soirée: Union Pool, en bas de chez moi, mais ma coloc s'est fait recaler, le mec a ri au nez de son faux permis parce qu'elle ne ressemble effectivement pas à la blonde sur la carte plastifiée qu'elle lui a présenté. 9:30 PM, au 617 Lorimer Street, on s'ennuie un peu et au menu, des crêpes vegan. Du lait de soja, de la farine complète, du egg replacer Ener-G, de l'huile. Bon appétit. La soirée avance, on a regardé Runaway. Jackie déteste Kanye West mais commence à doucement changer d'avis. Fallait voir sa tête devant les VMAs, elle chantonnait presque. Et voir ma coloc chanter, c'est un petit miracle. Il faut imaginer une sorte de Daria tatouée et pas très loquace. Elle va se coucher, le salon pour moi, l'ordinateur sur la table basse.

La rumeur sur Twitter, Kanye West irait au Brooklyn Bowl ce soir. Hum. J'avais déjà raté Vampire Weekend à SoundFix, le disquaire deux blocs plus loin, cet été. Il serait là pour le troisième anniversaire de Fool's Gold. Hum. Nouveau coloc arrive avec une grande blonde visiblement éméchée. Il me fait gentiment comprendre qu'il est temps d'évacuer le salon pour ne pas être témoin du passage à la quatrième base avec sa date du soir.

Direction Hana's l'égyptien-coréen du coin pour un coca. Des guidos qui veulent absolument payer pour moi, com'on on va pas te manger, on ne vient pas du Jersey shore. J'accepte. J'entends un couple de hipsters dire que Kanye serait arrivé. C'est parti. La maison, Google maps. Direction le Brooklyn bowl.

Trois blocs, facile. Moment de panique, ai-je ma fake ID ou pas. J'entends les basses, So Appalled commence, et je retourne mon sac pour trouver ce bout de papier. Ah, le voilà. Regard dubitatif du videur qui chante en même temps qu'il lit les lignes magiques ''19/12/1988''. Je remercierai chaque jour Photoshop d'exister. '' Go for it now, enjoy Kanye, girl ". Je cours littéralement, une meuf m'arrête, $10 l'entrée. J'ai envie de lui lancer tous les dollars de mon portefeuille et de continuer à courir, elle me tamponne le poignet, me regarde, et me dit tres solennellement '' You know what you 'gotta do, this is just the first song, run as fast as you can ''.

Le petit clin d'oeil. Je cours et me lance dans la foule compacte.

Kanye West, son collier Osiris géant, ses chaines en or, sa bague oversize, son manteau noir, à quelques mètres de moi. L'hystérie quand il se penche pour distribuer des checks. Monster. Power. Devil in a New Dress. Et Runaway. Les premières notes ont retenti, le petit piano, mon coeur s'est mis à battre un peu plus fort dans ma poitrine. Chaque minute, chaque seconde semblait être étirée, dans une foule au ralenti qui portait des toasts à l'unisson, pour les douchebags, les assholes, les scumbags, les jerk-offs.

En rentrant, je marchais le long des petites maisons à bardeaux, je crois que j'étais heureuse. Pour la première fois depuis un moment, je me suis sentie à ma place. Cette sensation est rare, mais ma place est ici. A New-York. C'est un peu cliché de dire ça, la ville qui ne dort jamais, patatipatata, mais les choses se passent ici. Je n'ai jamais vu autant de gens singuliers qu'ici, même si les rencontres sont très brêves, et que je me sens souvent seule, j'essaie d'en tirer des leçons. Je n'ai jamais lu autant de livres, vu de films, assisté à des concerts, visité de musées et appris que les trois derniers mois. Je ne pense pas à Paris mais parfois aux gens que j'ai laissé, à mes parents, à mes amis, et ils seront la raison pour laquelle je rentrerai. Puis l'école aussi. Mais si cela ne tenait qu'à moi, je planterai bien mon petit drapeau ici pour toujours.

Saturday

love to hate the biennale

je ne sais pas trop quel genre de lectorat on a, entre la famille, les mecs de sciences po, les mecs hors de sciences po, les mecs qui nous trouvent sur internet et les filles qui sont amoureuses de vadim, donc je me risque tout de même.

Edit: les filles envoyez les dedipix au lieu de faire monter la pression comme ça.
en préambule à mon post sur la biennale de shanghai, et parce que j'avais envie d'écrire un truc mais pas d'écrire un truc trop long parce qu'il est 3h33 ici (oh ça défonce), je considère que vous êtes soit des hipsters qui ont une barre de favoris trop vide ou des mecs qui sont véritablement intéressés, et je vous poste ceci:

http://www.randian-online.com/

c'est un webzine fraîchement débarqué de l'imagination d'un ami canadien qui pourrait presque être mon papa si il avait été précoce, et qui se focalise sur la double culture de l'art contemporain à shanghai. même moi, j'ai trouvé ça intéressant. et ça leur fait de la pub.

Wednesday

it's been a long night, and i hate the fucking eagles.

aux alentours de la fin septembre, j'ai découvert avec délices que ce ne sont pas les feuilles qui tombent des arbres pour accueillir l'automne, mais les fanions communistes et les drapeaux populaires, recouvrant la ville de pointillés rouges & jaunes. le 1er octobre était la fête nationale, commémoration du régime, accession au pouvoir, grand bond avant pour l'homme petit pas pour whatever, et bien que je raffole de tout cette panoplie de kitsch avec les feux d'artifices et les brassards et les fanfares à base de mandolines, je suis parti vendredi soir au midi festival, sur l'ile de changjiang, à l'embouchure du fleuve jaune, logée sous un des plus grands ponts du monde.
c'était la première fois que je quittais shanghai de moi-même, pour un voyage organisé par mes soins, avec des personnes aussi étranges que je les connaissais peu. hardi, petit. l'idée avait plus ou moins surgi d'elle-même, fouillant de mon côté, découvrant innocemment que le plus grand festival rock de chine se déroulerait pendant les vacances nationales, et tombant à la pause clope sur ce suédois à la coiffure aussi déroutante que celle de win butler (en gros, c'est une crête, avec des cheveux bouclés, mais pas entièrement rasés sur le côté, et avec trente-trois centilitres de gel sur le haut du crâne -ça déchire) qui me dit qu'il va aussi y aller. je lui ai dit que, très bien, qu'il me prenne un billet de train si il les réserve cet après-midi, je vais voir si d'autres sont intéressés. d'autres étaient intéressés, mais pas suffisamment pour y aller. je suppose que le fait de me connaître et de savoir que je vais passer quatre jours dans un festival underground leur suffit pour alimenter leur niveau de cool tout en commandant des macdos devant the amazing race: china rush. non, je ne suis pas aigri, je trouve juste que c'est légèrement dommage.
anyway, nous sommes trois à lutter contre la volonté des dieux pour se retrouver dans la gare de shanghai, sachant que c'est l'équivalent du quinze août, autour de moi, et qu'une porte sur quatre est ouverte pour accéder au hall principal. je finis par me repérer à la gomina (celle-là, je la dédicasse aux frères coen) d'eric, qui se tient à côté d'une grande hippie, qui me fait des grands gestes. sa coloc, gillian, britannique, photojournaliste, et bénévole chaque année à glastonbury. c'est un peu la crème de la crème des festivaliers d'europe qui s'engouffre dans le chr huning, train à grande vitesse jusqu'à nanjing, mais qui ne me laisse que deux heures et quinze minutes jusqu'à zhenjiang. deux heures où je laisse languir mon regard dans les bambous, les ruisseaux et les monts enneigés qui font de ce voyage un véritable rêve éveillé. j'déconne. y'a pas un pet de forêt, pas un pet de montagnes, les ruisseaux font leur vie dans des lits de bétons pour irriguer toujours plus de cette chose indistincte qu'est à la base du baijiu (ah, ouais, prononcer baïtio) et le gris n'est officiellement plus une exclusivité de shanghai. la campagne n'est qu'une longue répétition d'usines, de zones commerciales, de logements pas encore insalubres et d'un peu de terre boueuse qui n'attend que de nouvelles fondations. et, non, j'ai pas vu de pandas, non.
avance rapide: gare, clope, nouilles frites, clope, attente de bus, clope, montée dans le bus, clope, descente du bus au milieu de nulle part, des champs partout et une sorte de digue de gazon devant nous (si je dis autant de fois clope, c'est pour faire chier mes lecteurs fumeurs, et pouvoir spécifier dans une parenthèse trop longue que mes paquets là-bas me coûtaient vingt centimes). on paie vingt euros pour nos soixantes concerts et notre hébergement au camping et voilà. je suis reparti boueux, suant, pauvre, affamé, assoiffé, prêt à jeter cette putain de tente trop lourde, mais j'ai retrouvé shanghai. après un bourg de province où j'errais difficilement jusqu'à ce que les concerts commencent, je me retrouve dans une gare que je connais pour aller dans mon métro, puis sortie par ma sortie, puis remonter ma rue, puis rentrer dans mon bâtiment, puis appuyer sur le bouton 8 de mon ascenseur -enfin, un de mes ascenseurs-, puis retrouver ma porte, y tourner ma clé et dire que je suis de retour. personne ne m'a regardé dans le métro parce qu'ils savaient que j'étais l'un des leurs. enfin, je crois. j'ai pas fait attention, j'avais trop faim, j'ai mangé deux maxi best of big mac et deux double cheeseburger en retrant. pour huit euros.

le festival en lui-même avait un faux air et une vraie ambiance de naissance du monde. pas le bullshit avec le sel, la terre, le cep et les ossements, le monde de la musique que vont découvrir tous les chinois d'ici quinze ans, quand ils auront grandi, qu'ils se seront développés, qu'ils auront appris de l'europe et qu'ils auront surpassé l'europe. pour l'instant, certes, la musique est de mauvaise qualité quand elle est chinoise, c'est du metal agressif ou du punk qui refuse de mettre du biactol, mais elle est là et elle ne se vend pas. j'ai vu des maigrelets se jeter dans des pogos à faire frémir van damme, et des binoclards saoûls au baijiu hurler des chansons folkloriques (j'espère qu'elles étaient paillardes) avec le staff. j'ai vu des vieillards au premier rang de la scène hard rock pour supporter leurs petits-fils. j'ai vu des policiers battre la mesure devant de la synthpop britannique. j'ai vu des couples s'embrasser à côté de la régie son alors qu'ils auraient pu avoir plus romantique. j'ai vu des mères de familles pique-niquer près de la scène électro et leurs enfants de quatre ans se trémousser comme si il kesha était dans la place. le plus impressionnant, ce sont les enfants. ils sont partout, ils participent à tout, et même si ils ont un peu peur des européens (c'est pas grave, on était à peine cinq pour cent), la musique les touche quand même. alors, le soir quand on fume autour des feux de camps, et qu'on écoute les chinois chanter hey jude en choeur sans qu'ils ne connussent (un cookie pour celui qui me confirme que c'est correct) les paroles pour autant, autour de ce feu de camp, donc, on discute avec ceux qui nous comprennent, et on finit toujours par dire la même chose, qu'on est les plus chanceux du monde de pouvoir assister à l'accouchement des nouveaux rois du monde, d'être englouti par quelque chose qui garde un esprit de groupe en permanence, qui se donne toujours plus sans vouloir avoir l'air cool, et qui meurt d'envie qu'on écoute sa musique.

je vous préviens, les enfants: quand carsick cars passera au madison square garden pour leur tournée mondiale, je serai au premier rang avec mon tshirt "i was there".



...

j'vais être honnête, le meilleur du festival, ce n'était pas ces divagations sur un futur hypothétique de la country-mao, mais lundi matin, quand le soleil s'est levé, qu'un type s'est mis à jouer hotel california et que j'ai appris à dire à tous ceux qui l'entouraient:
it's been a long night, and i hate the fucking eagles.


celui/celle qui me donne l'origine de la citation gagne mon estime éternelle.

Monday

8pm.

j'étais en train de rentrer chez moi, il faisait déjà bien nuit comme dans un four. je revenais du gai village qui, kat onoma, comme son nom l'indique, est pédé au possible, j'avais déjà speedé quand un gros et vieux barbu avec un imper était rentré derrière moi dans le métro et j'avais changé 3 fois de ligne, lignes qui n'ont ni lettre ni numéro mais une simple couleur, ce qui me fait rire à chaque fois tellement c'est simplet, donc la verte la orange et la bleue et je relisais lunar park qu'on m'a adorablement envoyé dédicacé à mon nom dans le métro et je regardais la jolie fille avec un jean troué aux genoux qui pianotait sur son pc et je crois que je l'aimais parce qu'elle avait des beaux genous, genre vraiment, parce que le reste je m'en foutais et que de beaux genoux c'est quand même la merde à trouver. on a fait des parties de billard avec rak et bruno et pab après avoir pris un café au soleil place des arts et parlé entre autres de devenir riche avec une idée géniale (actuellement impossible selon moi), et de la réduction de la pollution en chine (hors de question, selon moi).

donc je rentrais chez moi en écoutant imagine pt 3, la meilleure chanson des histoires d'amour qui finissent mal en général parce que tout y est écrit, laissé en filigrane du début à la fin, genre ces cordes aigües qui deviennent lancinantes et même pire et la voix qui dérape, bref, et je savais qu'il y avait un mec derrière moi et je savais que ce morceau me laissait les nerfs à vifs et j'ai senti une masse d'air se déplacer très vite vers moi et j'ai pivoté sur moi-même, vers la gauche, et c'était ridicule parce que déjà trop tard mais malgré la puissance maximale de mes écouteurs je l'ai entendu ou senti et ça m'a surpris, ce réflexe dérisoire et paniqué, et j'ai vu le black qui me suivait me regarder en souriant de ses dents blanches tandis qu'il courrait à ma droite.

c'est seulement en refermant la porte de chez moi, six étages plus haut, que j'ai respiré plus normalement en essayant de rire de ma peur panique et de ma paranoïa.

Thursday

it's insane dirait ezra.

6pm et 6 minutes.

je viens de rentrer du 4 à 7 d'hec, une sorte d'happy hour en gros, après avoir rejoint un ami de lycée au tabasco, un bar pas loin de chez moi dans lequel hang out des types de hec, en face de la maisonnée, un autre bar prisé des étudiants de l'udm, j'ai bu une corona, ça m'a changé de la molson dégueu et j'ai vu des gens quoi. au 4 à 7 y'avait vraiment pas mal de meuf bonnes. des meufs moins bonnes ou pas du tout, mais quand même des meufs bonnes. là je suis docilement wasted, je mange des tortillas, j'ai pissé dans mon lavabo (tous les mecs font ça on se calme) après avoir fermé mes rideaux, je les ai rouvert, j'écoute love in stereo des monks qui sonne comme du costello. apparemment j'suis toujours un peu overdressed pour le canada, la chemise et les richelieu c'est too much pour la majorité des gens mais on s'en cogne. j'ai pas parlé à une seule meuf et c'est le sujet ici.

au bout d'un mois en terre étrangère au coeur des ténèbres tout ça je peux dire qu'au fond le plus dur c'est d'être un, d'être inconnu, de n'être personne. jusqu'à maintenant j'ai toujours été dans des petites structures: l'iep, un lycée et un collège privé. moi, vadim, ça voulait dire quelque chose, y'avait un nom associé à mon image, et d'autres trucs associés à ce nom et quelque soit la qualité, disons, de ces associations, c'était toujours un avantage. ici, tout le monde n'en a rien à foutre de moi parce que personne ne sait que j'existe et ça a côté welcome to the reality, wake up call, coup de point dans le bas-ventre, ce que tu veux qui retourne un peu la tête. donc je galère un peu, je sais pas comment je vais me sortir de ça. c'est surement des problèmes de riche (mais j'ai aussi des problèmes de pauvre, j'ai un budget), mais quand je sors c'est un truc qui apparaît parce que je vais pas rentrer dans quelqu'un que je connais ni rien et je suis un peu circonscrit au cercle avec lequel je suis venu et me connaissant je me sens parfois un peu à l'étroit parce que j'aime bien avoir la bride lâche. je suppose qu'il faut simplement que je porte mes couilles.

Wednesday

Don't call me mamacita.

3.20 pm
Ce jour est arrive.
Le jour ou cette phrase : New York I love you, but you're bringing me down, prendrait sens.
Mardi matin, je suis en retard, j'ai des valises sous les yeux, le metro est bonde, je presse le pas sur la 29th en faisant semblant de ne pas entendre le '' hum sexy lady '' des deux mecs assis devant la gallerie d'art en renovation. Brainstorming meeting. On felicite une de mes collegues pour son sublime rapport sur les couleurs de cet hiver, comprenant une tres bonne synthese du rapport Pantone qui est chiant a mourir. Rapport que j'ai lu, synthese que J'AI ecrite. C'est la deuxieme fois qu'elle s'approprie mon travail, cette abrutie tout sourires, toute mignonne. Elle ne savait meme pas ce qu'etait Pantone avant hier.
Je repars a mes 8 comptes twitter en gromellant un peu, je recois un tas d'emails me demandant de faire des trucs debiles comme uploader manuellement 85 photos sur flickr. Le telephone n'arrete pas de sonner, yes can I help you, no she's out of the office, can I ask who's calling ? Journee de travail chiante et frustrante quoi. Habituellement, c'est interessant, excitant, habituellement je dois utiliser mon cerveau et non pas faire attention a ne pas shooter le chien de la super patronne.
Je commence a avoir faim vers 16 heures, pas eu le temps de dejeuner, donc je vais me chercher un truc chez Pret-a-Manger. Un granola w/low fat yogurt et un coca, un rouge, un vrai, pour me recharger en sucre. En degustant mon granola, je decouvre qu'il y a de la banane. Je m'ordonne de la fermer et de ne pas faire la difficile, j'ai faim. Vient le drame : un cheveu dans mon yaourt. Un gros cheveu. Synthetique. Apres le fail professionnel, le fail alimentaire. Je ne sais pas comment j'ai reussi a vomir dans les toilettes et pas sur la moquette.
Le pompon, c'est que celle-qui-me-vole-mon-taf me demande si ca va, et souligne que j'ai vraiment une sale mine - non sans blague, t'as le teint frais et les joues roses apres un degueulis toi ? -

Je n'ai qu'une envie, finir ma journee de taf, retrouver Celine pour deguster un 'shroom burger au Shake Shack, et regarder la superposition de Jupiter et de la Lune sur la High Line.

Quand arrive enfin ce moment beni, ou je clique sur '' Log off Ibtissame '', balance tout mon bazar dans mon sac, et m'echappe en chantonnant '' Have a good night girls ''; la presidente de la boite vient me voir, en me disant '' bah tu viens pas au cours de yoga en salle de conference ? ''; comprendre : '' ramene toi tout de suite au cours de yoga que j'ai organise en invitant gracieusement mon prof, et arrete de mal regarder mon chien, merci ''.

J'essaie de m'esquiver, (je vous arrete tout de suite, je suis relativement sportive quand je le veux, et je suis super souple. Adho Mukha Svanasana - soit le chien tete en bas - ne me fait pas peur) j'invoque le caractere non-pratique de ma tenue, comme quoi je n'ai pas envie de filer mes collants non flexibles, ni d'offrir le spectacle de mon posterieur dans mon short American Apparel. Elle me repond qu'il est joli comme tout, mon posterieur, et que je ferais mieux de le ramener fissa en salle de conference.

Je rencontre le prof, une sorte d'illumine aux liftings multiples. Il se met a raconter tout un blabla introductif explicant que le film Avatar l'inspirait tous les jours, comme quoi son yoga etait tres spirituel, d'une nouvelle sorte.

D'une nouvelle sorte, c'est sur. Il y avait de la musique chelou, des mantras et des chants qu'il fallait reprendre tout en faisant les positions, qui allaient de la grenouille, a l'arbre. Ma favorite reste celle de l'insecte mort, une de ses creations. Il fallait etre sur le dos, secouer nos bras et nos jambes en l'air et fermer les yeux, faire l'insecte mort quoi, et repeter les trucs sans sens qu'il chantait. Il y a aussi eu une periode de meditation. Il chuchotait des trucs, inhale, exhale, oh you're so beautiful, please, seat well on your rectum and you sex organs, and salute the Universal force. Le cours s'est fini sur un blabla a propos de Moise, de Jesus, et de combien le cerveau etait un frein a l'epanouissement et a l'accomplissement personnel. A ce moment la, je me suis vraiment dit que c'etait n'importe quoi. Je pourrais raconter a mes eventuels gosses que j'ai presque infiltre une secte. Tout le monde etait trop heureux, oh, c'etait trop bien, c'etait fabuleux, en plus, on est les invitees a rencontrer le guru du yoga center sur la 25eme.

Pour moi, c'etait plus inhale, exhale, ibtissame, c'est fini, t'as pas file ton collant, et tu n'es pas morte de honte d'avoir fait la grenouille devant tout le monde. Par contre t'as 30 minutes de retard, et 6 appels en absence.

'' RDV au Madison Square Garden ''. Je sors en vitesse, me rhabille en courant, goodbye I'm late, je cours, un bloc et trois rues, le plus vite possible; je ne trouve personne devant le Madison Square Garden. Evidemment, parce qu'en disant Madison square GARDEN, Celine voulait dire Madison Square PARK. 5 blocs et 10 rues plus bas.

Je cours dans l'autre direction, pour arriver le plus vite possible. Je cours, je maudis ce cours de yoga, et cette journee de travail chiante a mourir, et cette abrutie qui me vole mon taf, et les feux qui sont rouges, et les taxis qui manquent de m'ecraser, et mes chaussures qui me sont pas faites pour courir, qui font qu'a chaque pas, l'impact est insupportable pour mes chevilles et mes tibias, et pourtant je dois arriver le plus vite possible. Je maudis le bruit des pieces dans mon sac, je maudis New York et ses arteres bondees, New York et ses Square, et ses Park. Un mec a mon passage sort un '' alalala mamacita corriendo '', je ne trouve rien d'autre a dire que '' fuck you '', donc je cours, en hurlant fuck you a cet abruti, qu'est-ce qu'ils ont a tous m'appeller mamacita, franchement, en plus c'est pas le moment. J'approche le Madison Sq PARK, il y a des tentes, donc je dois faire un detour. J'arrive enfin, et je vois Celine, son petit sourire, avec Juliette. Elles m'ont commande mon truc que je mange, plus pour me mettre un truc dans la bouche et m'empecher de me plaindre.

On s'est trompees de chemin pour aller sur la High-Line, et sur le chemin, je checke mes mails et mon Facebook, l'administration de l'IEP me cherche des poux, en me racontant qu'ils m'avaient envoye un courrier il y a trois jours et que je n'ai pas repondu ohlalalala. La prochaine fois ils devraient essayer de m'envoyer un telegramme, ou un pigeon voyageur, c'est bien plus efficace pour faire parvenir une feuille a signer. J'ai recu 6 inbox dont je ne saisis pas le sens, on marche vite donc je ne peux pas me concentrer et mon telephone est un LG ridicule avec un tout petit ecran, une interface pourrie. J'ai envie de le balancer dans l'Hudson river, mais je ne le fais pas parce que sur le coup, ca me fera du bien, mais apres je me sentirai conne, surtout que je devrais en racheter un autre. Certainement le meme. BREF, ce serait stupide, je ne l'ai pas fait.

Voir Jupiter et ses quatres lunes c'etait cool, je ne comprends pas pourquoi tout le monde voulait absolument voir la Lune et s'en foutait de Jupiter, alors que c'etait cent fois plus cool. Celine etait trop mignonne. Elle etait toute exhaltee. La difference avec moi, c'est que j'etais tellement soulee par cette journee, que mon exhaltation voulait pas se montrer.

Je rentre chez moi, une fille aux cheveux roses delaves me bouscule sans s'excuser. Je la pardonne dans ma grande mansuetude : Tu as peut etre un sac Marc jacobs a chaque bras, mais tu as aussi un trou dans ton pantalon, qui laisse entrevoir ta culotte rose fluo, qui fut un temps assortie a tes cheveux. Il y a une justice sur terre. Dans mon salon, le guido sur le canape, qui me salue d'un '' hey mami ''. Je me retiens de lui crever les yeux, en me disant que c'est la derniere de mes miseres de la journee.

Il n'en est rien. Je me douche en oubliant ma serviette dans ma chambre, realise que mes collants sont files, et DRAME ULTIME : la batterie de mon ordinateur vient de me lacher. Lacher dans le sens '' va chez Best Buy poser $100 pour une nouvelle batterie ''. Je n'ai meme pas pu me complaire un peu en ecoutant LCD soundsystem avant de me coucher.

Heureusement, demain est un autre jour (ca va mieux aujourd'hui).

J'ai vole une feuille de chants et mantras; en voici un extrait : '' Ong namo Guru dev namo. Light of Light, God of God, Light by the way of God, God by the way of Light, Lumen de Lumine, Deum de Deo, Deum de Verum de Deo Vero, Truth is found in the Naam, undying and unborn, self illuminated, he's the light of the Guru ''.

Tuesday

long time no see

seconde partie de "pierre passe une bonne journée à shanghaï".

en fait, ça dépend de l'heure à laquelle j'arrive en cours. parfois, j'ai le luxe d'une cigarette, et je m'assieds dans un de ces grands fauteuils en bois, juste en face de l'entrée, à côté d'un miroir qui sert à toutes les petites brunes à vérifier leurs mèches, encore une preuve que personne n'est vraiment différent. il y a aussi ce type, qui arrive toujours tôt, qui écoute de la musique aussi fort que moi et qui, l'autre jour, avait un tee-shirt mgmt. j'avais bien envie d'aller lui parler, mais il était tôt et il n'y a rien de pire que d'être dérangé quand on écoute un morceau qu'on aime bien avant de commencer une journée de cours. il y a les filles qui montent les escaliers et qui font semblant de ne pas regarder les garçons, et les garçons qui montent les escaliers en regardant les jupes des filles. même après deux semaines de cours, certains s'arrêtent encore devant le panneau d'affichage pour vérifier dans quelle classe ils ont cours. moi, j'ai pris la classe qui ne change jamais de salle (en théorie on n'a pas le droit de choisir sa classe mais c'est une longue histoire), c'est plus simple. généralement, je me débrouille pour mettre un joli gentil morceau de rap quand je me lève pour jeter mon mégot et marcher le long du couloir, genre harder than you think ou house of the flying daggers, ça m'aide à poser mon style.
oui, ça m'aide pas mal parce que, quand je rentre dans la salle, il y a toujours du monde, disons une petite douzaine, la moitié quoi. et ils sont tous super saucés d'être en cours à shanghai et ils vivent pour ces cours et vivent dans la fac et serrent la main à tout le monde à tout le monde en souriant beaucoup même si ils ont une gueule de bois. sauf que j'ai du mal à être communicatif dès le matin, alors je vogue jusqu'à ma table au fond en fixant vaguement le carrelage, et je me dépêche de sortir un livre. là, je lis toujours ulysse, léopold n'en est qu'à l'enterrement, mais je me suis replongé dans lolita parce que je devais le prêter à une allemande, bref. je serre la main aux quelques personnes que je connais, oui, clovis, un français sympa qui est l'archétype (dans le bon sens) d'un président du bde d'une petite mais bonne école de commerce parisienne intra-muros, puis nick, un suisse-italien-argentin qui aime les arctic monkeys et qui regarde des documentaires animaliers quand il rentre chez lui à 5:00am, et andrew, un mexicain inoffensif. et puis une philippine, parce qu'elle est venue vers moi pendant une soirée pour me demander si je parlais, j'ai dit oui, et j'ai parlé et elle a saisi que j'étais pas spécialement bête ou timide, que j'avais juste pas mal la flemme. revenons-en plutôt au fait que je n'ai le temps de lire que deux ou trois pages avant que le prof n'arrive.
on a trois professeurs, dont un prof principal (et quand j'ai dit ça, une larme de nostalgie au coin de mon oeil ému), deux femmes et un mec. le mec, on va l'appeler feichang hao, qui veut plus ou moins dire très bien, excellent (cass-dédi à victoire), parce qu'il dit toujours ça, tout le temps. son record, c'est quatre fois d'affilée. c'est énorme, rendez-vous compte: très bien, excellent, très bien, excellent, très bien, excellent, très bien, excellent. c'est pour ça qu'il est cool, et il met toujours le même polo, ce qui est rigolo aussi, et il a l'air un peu gay, mais juste assez pour laisser planer le doute et juste donner envie d'être pote avec lui. les deux suivantes, c'est un peu laurel et hardy, la grande et la grosse. la grande a une sorte de sourire inversé particulièrement décontenançant, elle ne parle jamais anglais et se contente d'écrire au tableau le numéro des exercices qu'on doit faire pendant une heure et demie. c'est mieux que de répéter ces foutus syllabes, je te l'accorde. la grosse, elle, n'est pas grosse, juste un peu enrobée, et elle est super cool, c'est la meilleure prof principale que j'ai jamais eu, on blague en chinois et la seule chose qu'elle sache dire en francais, c'est "mille mercis", avec une prononciation parfaite, tu peux pas la test. donc voila, elle nous pose des questions sur notre vie réelle (ou est-ce qu'on habite, ce qu'on fait le week-end) et fictionnelle (li da zhong peut-il appeler wang laoshi demain soir ?), et c'est assez interactif pour que je ne sois pas tenté de compter les feuilles de l'arbre en face de ma fenêtre (toi qui croyais que je m'asseyais au fond de la salle pour ne rien foutre, je t'ai bien eu, j'aime avoir une jolie vue quand je travaille, avec un petit étang et des trottoirs et des arbres qui ne vont pas tarder à s'embrunir et à se redorer).
la pause clope, c'est généralement ma pause musique pour eviter de n'avoir rien a dire à des personnes qui aimeraient bien que j'ai quelque chose a dire, mais parfois on discute quand même, et tout le monde est là, les japonais entre eux, les russo-kazakhs entre eux, et les autres mélangés. tout le monde mate un peu du coin de l'oeil la bulgare qui est une blonde superbe sauf moi parce qu'elle discute avec mes potes et que ca lui fera la bite si quelqu'un l'ignore, tiens.
parfois, je marche un bloc jusqu'à la supérette du campus pour acheter des biscuits, ersatz de prince, et du thé glacé au citron, qui me coûtent environ quatre-vingt centimes. et puis retour direct en classe, apres avoir achevé ma clope dans les escaliers (là encore, dédicace émue à tous ceux qui ne peuvent pas fumer dans les escaliers de leur fac), pour une autre tranche de quarante-cinq minutes.
lundi, quand on a aussi cours l'apres-midi, on traverse la route pour s'engouffrer dans le rue du street-food et se gaver de nouilles frites, dans lesquelles il y a de délicieuses choses dont je ne devinerai jamais le nom, après avoir dit bonjour à la vendeuse d'écureuils et de cannetons parce que je veux un putain d'écureuil presque autant que je veux un panda. et puis on va déjeuner devant la statue de mao, parce qu'elle est vraiment foutrement kitsch, et on reprend les cours et je reprends le bus.


voila pour l'article de retard, le prochain sera sur mes apres-midis.

bonne nuit les petits.

Monday

killing it

12.12pm

jeudi soir j'ai manqué la soirée de l'année, comme on l'appelle ici, le party (prononcer parté) deuxième étage qui avait lieu dans l'enceinte de la fac, ce qui pour le concept est ouf, mais y'avait plus de places. je voulais sortir avec sam et bruno mais manque de bol il pleuvait des cordes telles que je suis resté chez moi à mater le college football sur espn.

chez moi, justement, les résidences universitaires, c'est un peu glauque sauviético-prison avec pleins de néons et des murs jaunes pisseux et un babyfoot et un billard en bas, desquels je me suis encore jamais approché avec plein de gens qui ont l'air de s'amuser mais que je n'ose pas aller voir seul. y'a des types qui déclenchent l'alarme incendie 3 fois de suite quand j'essaie de dormir et d'autres qui cuisinent des steaks à des heures indues qui foutent la dalle ou encore un type qui frappe à toutes les portes des chambres à 1 am, black, benêt, et qui cherche maeva, no wonder mec, une fois que j'ai ouvert la porte t'es fixé, à moins que je la planque dans mon pieu.

par rapport au fait de vivre à l'étranger, tu t'en rends pas forcément compte tout de suite, rapport que c'est assez européen. mais par exemple, on trouve ni lardons ni crème fraîche et ça me casse les couilles parce que j'aurais tué pour une carbo. l'autre jour je suis allé acheter des caleçons, et quand je suis passé à la caisse j'ai eu la présence d'esprit de demander si les standards étaient américains ou français. le mec m'a parlé de ma taille de futal, je m'en rappelais pas, j'ai pris des S et grand bien m'en a pris, parce que je flotte presque dedans. welcome to america. autre péripétie, j'ai passé une heure sur une boîte de conserve parce qu'elles n'ont pas de languette d'ouverture facile, et donc je me suis entaillé le doigt au couteau, tout va bien.

sinon je vais à tous mes cours, je fais tout mon taff, big revolution. d'ailleurs, en anglais, ma prof a un strabisme ce qui a donné lieu à cette epic scene où elle voulait interroger ma voisine, à deux chaises à ma gauche, mais où ni elle, ni mon voisin de derrière, et donc encore moins moi ne savait à qui elle s'adressait, scene dont le climax a été son "c'est vous que je regarde" qui est mort dans la perplexité générale. d'ailleurs un de mes camarades ressemble à zach galifianakis et une dans une autre classe s'appelle soprano, ce qui, vu le temps que je passe à mater des séries, a pour moi une importance capitale.

vendredi on est sortis avec sam et bruno. je les attendais devant le pub de polytech, y'avait la musique qui hurlait, helmut fritz, ce qui ne m'a pas rassuré, et je fumais une clope en regardant la musulmane voilée qui attendait dans sa voiture et un panneau en marbre avec une date et des noms qui commérorait le massacre de 14 personnes comme je l'avais suspecté et qui était complètement irréel dans ce contexte de beuverie où les 20 shooters coûtent 21 dollars. après on est devenus saouls, on a bu ma flasque de jack et d'autres shots de jack et de la bière et on a discuté avec des burkinabés, un peu, de l'afrique et de tout ça et de cinéma avec bruno et sam, puis on est retournés dans ce bar avec la terrasse intérieure, on a fait du charme à la serveuse qui nous a encore offert des verres, bushmills, et j'ai essayé de faire ami ami avec un hipster qui était un putain d'ébéniste et aussi un enculé qui m'a poussé pour x raison, et donc je me suis vautré mais ça n'avait pas grand importance.

chaque matin, le soleil se fait de plus en plus attendre.

amis du soir, bonsoir.

ce post-là va être vite expédié, parce qu'il parle de cours, de la chaleur qu'il fait quand on sort de cours, de l'abrutissante répétition de syllabes entonnées en choeur et d'à quel point je me lève tôt pour me retrouver à la fac (another continent, same shit). parce que, oui, je me lève terriblement tôt, six heures du matin, et même pas pour faire la course avec le soleil, moi hors de mon lit, lui hors de sa pollution. le plus dur, c'est le réveil, parce qu'il fait juste assez bon sous mes draps, et beaucoup trop froid sous l'air conditionné que j'oublie systématiquement d'éteindre, et que je sais pertinemment que la douche va encore mettre cinq minutes à devenir tiédasse, que je n'ai pas grand-chose pour mon petit-déjeuner à part une fin de minute maid orange, et que ce n'est pas encore aujourd'hui que je vais oser goûter l'omelette étrange qu'ils vendent en bas de chez moi. mais bon, life is life, la vieille branche se lève, espère que la douche est libre, elle l'a toujours été jusqu'à maintenant, mes ricains à moi sont plus flemmards que ton cousin qui est en BTS pour vendre de la drogue, et ils n'ont pas vraiment grand-chose à faire de leur vie à part donner des cours à des chinois qui se prénomment superman et michaelbay (sic). la douche est froide, c'est fini en une dizaine de minutes (soit environ trois fois moins qu'en france, je gagne un temps fou pour faire mes lacets). par chance, j'ai encore quelques rice krispies qui implorent ma pitié, ils ont de la chance, c'est le deuxième jour de suite où j'oublie d'acheter du lait. je m'habille vaguement, c'est pas comme si c'était la fashion week dans le bâtiment ices (international cultural exchange student, sisi c'est mon blaze) #2 du campus de handan, hein. après, j'attends toujours un peu dans ma chambre, pour être sûr que mon coloc allemand s'en est allé avant moi, parce qu'il est sympa le jour, mais que son rire nasillard et sa manie à vouloir tout le temps parler est très vite insupportable dès potron-minet.
donc voilà, l'ascenseur du huitième étage me permet de ranger mes clés dans mon sac et de lancer the suburbs sur mon lecteur cd, parce que la qualité est quand même mieux, et que j'en ai pour une heure, donc autant avoir un son décent. dehors, c'est -pour l'instant- toujours chaud lourd humide, et j'ai pas envie d'être en retard comme la moitié de la classe, donc je marche un peu vite, et je ne fais pas vraiment attention à qui que ce soit, excepté au maître de tai-chi qui, tous les matins, fait danser sa veste blanche sur les bords de la rivière suzhou (je déconne pas, c'est merveilleux de le voir). voilà, j'arrive dans le parc du centenaire qui me sert de raccourci, et dès six heures quarante-cinq, c'est blindé, avec des mamans qui font leur forme spéciale de tai-chi, les officiers de police qui siestent dans leur casemate, les vieux en marcel qui me regardent passer, moi et mes cheveux bouclés, et d'autres qui tapent dans leurs mains, debout sur des roches, surplombant les poissons qui se battent pour les bouts de pain d'un petit garçon. un peu plus loin, une fois que j'ai passé l'étang (à ce niveau-là, c'est ready to start qui commence), il y a trois bancs à l'ombre de jeunes marroniers et deux grands portiques en bois où sont fichés, plus ou moins précisément, divers crochets. quand j'y suis passé pour la première fois, la nuit sous la pluie du typhon, je pensais que je me trouvais sur le lieu d'un mémorial au victimes de l'infâme régime de chang kai shek, mais non, à chaque lever du soleil, une cohorte de vieux, avec des souvenirs pleins leurs rides et de la patience plein les poches, viennent se retrouver pour débuter leur journée en amenant leurs oiseaux. doucement, ils les suspendent à la poutre de bois, et se rasseyent pour discuter de ce qui ne s'est pas passé cette nuit, ou pour écouter les oiseaux se raconter ce qui s'est passé cette nuit.
et puis je prends le métro, en passant devant cette échoppe qui vend les pancakes/omelettes du matin, pour deux stations. je sais exactement quelle porte, quel escalier et quel sortie prendre pour optimiser mon trajet. je débarque sur la place nord de la gare ferroviaire de shanghai, cent mètres à faire jusqu'au terminus du bus 942, où il n'y a encore ni contrôleur ni chauffeur au moment où je monte dans le bus. je m'assieds à la meilleure place, celle qui est juste derrière le siège du conducteur, où on peut étendre ses jambes et regarder par la fenêtre, douze arrêts jusqu'à la fac. avant de démarrer, il faut donner sa carte à la meuf dont le titre est "people's security agent" mais qui n'est qu'une meuf avec un brassard, et elle me connaît parce que je suis le seul caucasien sur la ligne à cette putain d'heure donc je n'ai même plus besoin de lui dire que je ne paie que deux kuais parce que je vais jusqu'à fudan. le trajet est un peu long, mais je ne dors pas, je lis parfois, j'écoute arcade fire tout le temps, et je regarde ce qu'il se passe dehors, il se passe toujours des trucs super, des visages improbables, des femmes qui font du troc, des mecs qui lavent leur chien dans la vitrine d'un magasin, des télés qui projettent le logo EXPO2010 non-stop, et des courses entre les taxis verts bleus rouges jaunes.
je sais pas si c'est moi, mais quand j'arrive à fudan, tout le monde dans le bus me regarde bizarrement, le temps que la porte s'ouvre, comme si un étranger n'avait pas forcément le droit d'être dans une université aussi prestigieuse. c'est probablement moi. alors je descends, me fraye un chemin parmi une armée d'étudiants sur une armée de vélos, et il me reste quelques minutes pour rallier mon bâtiment et finir mon cd, au beau milieu d'un campus tout en arbres, en bâtiments de briques et en vélos garés par flots entiers sur les trottoirs. le hall est un peu gris, un peu sombre et par conséquent assez laid, mais le dernier est aussi accueillant que peut l'être une salle avec des fauteuils en bois, des lustres dorés (sortis de je-ne-sais-où) et un nuage constant de fumée d'everlasting pauses clopes. ma classe à moi est au fond du couloir, ma place à moi est au fond de la classe.

la suite un autre jour je suis fatigué j'ai faim.

Tuesday

let's go downtown and talk to the modern kids.

au début, je voulais faire un post sur ma première semaine à la fac, parce qu'il y a quand même un ou deux trucs à dire, mais je me suis vite rappelé que je ne suis pas la pour étudier, mais pour découvrir. alors je vous parlerai de mon prof gay et du mexicain qui ressemble à un juif que j'ai connu un autre jour, d'accord ?

quand j'ai su que je partais, il y avait une partie de moi qui voulait avant tout découvrir le côté "undergroundmusiclivescenecheapdrinks" que mon imaginaire me soufflait discrètement, avec des guitares cassées et des amplis défoncés, un son dégueulasse pour des bières dégueulasses, et des types avec des dreads, des tatouages, et des mâchoires entraînées à avaler des micros tout entiers.
donc, oui, une fois que j'ai eu une connexion internet stable (bien que peu efficace), je me suis mis à chercher par-ci, par-là, les quelques infos qui pourraient exister sur de la musique non-mainstream. je développerai rapidement les tenants et les aboutissants de la musique mainstream shanghaïenne plus tard, soyez sans crainte. finalement, quelques heures de consciencieux épluchage de sites, je finis par choir sur les blogs d'Andy Best et de Jake Newby, plus ou moins la seule source régulière d'informations quant aux whereabouts de la zicmu au pays des lotus bleus. deux trois articles de lus pour comprendre qu'il faut surtout que j'aille au yuyintang (translated to: where music happens), à trois stations de chez moi, je ne crois pas que ce soit une coïncidence.

toujours est-il que j'y suis allé trois fois en quatre jours, que j'ai vu une dizaine de groupes, mais que je ne vais pas m'atteler au rude exercice de la critique musicale, parce que j'y suis vraiment mauvais et parce qu'il n'y a pas vraiment lieu de critiquer quoi que ce soit.
en vrac, un groupe de hard rock, un groupe comme les white stripes, un groupe comme du mauvais joy division mixé avec du mauvais sonic youth mais qui restait très bon, un groupe progressif à te faire vibrer jusqu'à la pinte, et des mecs qui ressemblaient aux chats persans avec plus de monde et plus de disto.
le public est très très européen, je veux dire, pour une petite salle comme celle-ci, et principalement parce que pas mal de membres de groupes sont eux-mêmes européens, donc so much for the local scene, mais les chinois se débrouillent foutrement bien, quand il font autre chose que parler avec l'accent de pékin. la salle de concert est cool, petite, étouffante malgré la dizaine de ventilateurs qui y sont disséminés, mais ils se débrouillent pour avoir des tags sur les murs, des cendriers qui n'étaient probablement pas censés en devenir quand ils les ont achetés, des serveurs en joggings, une carte qui colle au comptoir, des tables entassées au loin et un baby-foot aux pieds maintes fois recollés. et puis la bière n'est pas chère, et les rencontres y sont faciles, et le son est aussi pourri que la musique est, étrangement, de qualité.

alors, oui, il existe une scène underground à shanghaï, il paraît qu'elle n'est pas aussi super que celle de beijing, ce que je vous confirme début octobre. le public est plus ou moins le même que dans toutes les petites salles du monde, à croire qu'être hipster est un réseau social à part entière, et on passe outre les vieux occidentaux qui sont super cools parce qu'il viennent ici à cause de leur haine de pudong. et oui, j'y repars cette semaine.



ah, ouais, je vous offre aussi sur un plateau d'argent le myspace du groupe phare du week-end, boys climbing ropes.

Sunday

Portrait robot

1:00 AM

J'ai fini de parler du métro, on a compris que c'était sale, plein de rats, et que les gens y cherchaient encore plus que d'habitude un moyen d'interagir avec d'autres individus de leur espèce, et qu'on pouvait y écouter des reprises originales des grands '' classiques '' musicaux.
Je ne vais pas qu'à des soirées de hipsters oscillant sur de la cold wave, de meufs qui font du street style, de mecs qui tournent des documentaires sur la laideur, auxquelles je peux manger de la barbe à papa, non non non. On se passera du couplet 9-11 never forget. Les drapeaux ont fleuri partout samedi, c'est tout.

Par un clin d'oeil du destin, parmi tant d'autres (comme trouver 20$ par terre), je me suis retrouvée invitée à une lecture '' secrète '' de Tao Lin dans une librairie de williamsburg vendredi. On dit de lui qu'il est le '' Kafka de la génération iPhone ''. Je n'irai pas jusque là, je n'aime pas les comparaisons débiles, et ce concept de génération iPhone, soit. Toujours est il que j'avais acheté un de ses bouquins le mois dernier, que j'avais aimé, certainement parce que certains passages me parlent, ceux sur l'ennui par exemple.

On était douze. Tout le monde buvait de la hebrew beer; chacun s'est présenté tour à tour, ça ressemblait vaguement à une réunions d'Alcooliques Anonymes, ou du moins au portrait qui est fait des réunions d'AA. Certains m'ont tendu leur business card. Tout le monde ici a sa petite carte de visite, ses petits papiers noircis au préalable avec son adresse email et son numéro de téléphone; pour être prêt, au cas où on rencontrerait la bonne personne au bon moment. Tao Lin a lu un extrait de son dernier livre, Richard Yates, et fait tout un exposé sur les hamsters. Avant de partir, il m'offre son livre parce qu'il aime les robots et que d'après lui mon prénom ne peut être qu'un prénom de robot, d'autant plus qu'il semblerait que je ressemble à un robot. Il ajoute que j'ai le profil idéal d'une voleuse à l'étalage, que j'ai l'air tellement innocente que je devrais en profiter. J'ai placé la blague '' Tao Lin Soccer '', il m'a trouvé '' drôle pour un robot.''

J'ai '' brunché '' - que je déteste ce mot - ce matin, je suis allée au musée d'histoire naturelle avec Céline, on s'est posées dans un café aux canapés confortables, le mec a même fait des petits coeurs avec la mousse au dessus de cette orgie de chocolat. En rentrant chez moi, j'ai lu sur mon canapé violet, dîné un avocat organic qui traînait dans le frigo, avec un morceau de faux fromage, et c'était dégueulasse, du plastique. J'ai grossièrement photographié les tatouages derrière les oreilles de Julio, il se demande pourquoi juste ceux là, alors qu'il en a le corps entièrement recouvert. Je me moque un peu de son tee-shirt avec des loups, des ours et aigles dessus, qu'il porte évidemment de façon ironique. Il annonce qu'il repart définitivement en Espagne, c'est un peu triste parce qu'on commençait à avoir des discussions intéressantes.

Ma coloc Jackie m'a lu les poèmes qu'elle doit rendre demain, on a eu un mini-débat à propos de Bukowski, parce qu'elle le déteste et moi pas; comme elle est encore plus têtue que moi, elle boudait un peu. Je l'ai fait rire en imitant l'accent latino des filles qui venaient de passer sous notre fenêtre en parlant outrageusement fort, et les Video Music Awards ont achevé l'opération '' suppression de toute tension dans cette maison ''. On commentait le spectacle offert par MTV, le nombril étonnamment haut de Cher - oui, elle est toujours en vie -, ses sourcils étonnamment immobiles, et ses cheveux étonnamment faux. Elle a filé l'award à Lady Gaga qui portait une robe en viande. Puis un petit tour chez Hana's, le deli d'en bas ouvert 24/24, et le mec à la caisse m'a fait son numéro habituel '' Comment ça va, ça va ça va ohlalala c'est la vie vive LE france, do you finally want to go on a date with me ? ''. Non toujours pas, je veux juste un coca.
Je devrais arrêter de boire autant de coca, je vais finir avec un trou dans l'estomac. L'autre jour, j'en ai pas bu de la journée, et cet horrible mal de tête n'était pas lié à la débilité de certaines de mes collègues, mais bien à cette absence de coca dans mon organisme, j'en suis sûre.
Il est temps d'aller me coucher.

Saturday

environ 3h, je crois.

hahah je suis un peu saoul. je suis effectivement allé au match de soccer avec sam, puis on y a vu pierre alix. les filles ont gagné 3-0 contre l'uquam, deuxième fac française, de seconde zone, à montréal, elles étaient pas mauvaises, pour des meufs, mais leurs adversaires étaient vraiment bidon. ensuite pierre alix avait froid, parce qu'il faisait 20° mais plutôt froid en fait, et donc on est passés chez moi prendre des clopes et boire un whisky puis partis chez pierre alix. sur le chemin on a acheté des bières et moi à manger et on est allés dans sa coloc picoler un peu quand ses colocs ont débarqué et j'avais vraiment l'air d'un mec de droite. j'étais rasé avec une chemise bleue ciel à col boutonné et un gilet en cachemire ralph lauren et un pantalon de costume et des stan smith que personne n'a du remarquer et c'était plutôt drôle puis on a cherché un bar avec bruno sam pierre alix et océane, on l'a trouvé puis on se l'est doucement mise en parlant de l'existence de dieu et de l'univers infini comparées puis je suis rentré en claquant 20 balles de tacos, mais ça valait le coup et c'était bien même si j'ai parlé à aucune meuf bonne.

Friday

allez ta gueule

12.42pm

so, bébé. comment tu vas?

cette semaine, je suis allé en cours. c'est cool, j'ai du claquer masse biff en bouquin, en lire, regardé un bout d'Oliver Twist, maté les Sopranos, regardé la NFL et les matchs de l'Equipe de France de foot, parlé à mes voisines en cours, pour prendre un stylo, filer des notes, ce genre de petits trucs de merde, pas rencontré grand monde. je suis allé courir et je suis allé nager, pas longtemps à chaque fois mais trop vite trop fort comme je le fais toujours parce que je suis bon pour me surestimer. ce soir je vais voir un match de soccer. je vais probablement passer mon temps à gueuler parce qu'on joue comme des merdes.

à propos de l'accent, il est absolument pas drôle. quand il est trop prononcé, il est simplement insupportable parce qu'il est traînaaaaaaaant et qu'on perd un temps fou avec tous ces phonèmes qu'on étire. à propos de l'accent il est encore totalement désarçonnant, surtout quand tu adresses la parole à une meuf, bonne ou pas, et que tu t'aperçois en fait que sa façon de parler ne colle absolument pas à l'image de la féminité toute douce et virginale que l'on peut avoir. je n'induis pas en utilisant l'adjectif virginale que toutes les femmes dépucelées sont des putes.


les blogs d'expats, c'est une plaie. je veux dire, je comprends qu'on ait des centres d'intérêt différent des miens, des visions des choses différentes des miennes, qu'on se mette comme règle d'écrire UNE fois par semaine, de façon sûre et certaine ou même qu'on titre ses articles "du huit.huit au quinze.huit", fine, whatev, mais sans déconner, tu t'es vu quand t'as écrit que tu devais te "plonger dans les méandres de l'écriture"?! mec, déjà se prendre pour baudelaire est bidon mais alors en plus choisis-toi un modèle qui tient la route. sans déconner, tu te plonges dans rien tu te vautres dans la fange factuelle de ta semaine à nous parler de ce qu'il s'est passé lundi ce qu'il s'est passé mardi ce qu'il s'est passé mercredi ce qu'il s'est passé jeudi ce qu'il s'est passé vendredi ce qu'il s'est passé samedi et ce qu'il s'est passé dimanche et plein de photos au cas où on ne sache pas imaginer, ou parce que tu ne sais pas décrire. et puis si tu veux, cette obsession pour "LA POLITIQUE", la réduction des gens à leur adhésion politique, cette idée que le sel de toute discussion est LA POLITIQUE et ce qu'on pense du régime de machin et de la révolution au Nicaragua et la gauche et Marx et les idéaux et machin et truc muche, parce que je suis à sciences POLITIQUES juste pour la POLITIQUE, ça me donne envie de vous pisser au cul. voilà c'est dit.

Monday

Faux et usage de faux

4:59 PM - écrit samedi matin, 4 AM - New York

J'ai officiellement une fake ID. Une vraie Fake Id, une carte d'étudiante d'école de commerce, avec ma photo, plastifiée, tout ça tout ça. Jusque là, j'avais la photocopie de l'ID d'une amie née en 88, et les mecs devant les bars et autres clubs de live music me lançaient des regards genre '' non mais c'est un bout de papier, à d'autres ma petite '.
Je me mettais alors à sortir un laïus prémaché, en surjouant un peu l'accent français, non mais c'est parce que si je perds ma véritable carte d'identité et bien je pourrai pas rentrer en France, c'est pour ça que j'ai qu'une photocopie, allez, sois sympa je suis une pauvre jeune fille de 19 ans qui veut juste rentrer dans ce fichu bar et écouter un peu de musique, en plus je ne bois pas, c'est vraiment n'importe quoi ce pays, mais allez, s'il te plaît, si tu veux on discutera un peu quand je sortirai prendre l'air. Tu me laisses passer, oh thank you so much, have a great night too, amuse toi bien à recaler les gens.

Etre underage aux Etats-Unis est un frein social. J'ai dû renoncer à pas mal de soirées et de concerts à cause de ça, des deux ans qui me manquaient pour exister aux yeux de la loi américaine, mais là, grace à ce bout de plastique, je vais pouvoir mettre les pieds dans ce bar en bas de chez moi qui me fait tant envie, entre autres. Voila, je suis désormais étudiante dans une obscure école de commerce française, et je suis née le 19 décembre 1988. Hum.
Tout est un peu contradictoire dans ce pays; c'est un peu comme l'histoire de l'alcool sur la voie publique. C'est interdit, mais on s'en fout si c'est caché dans un sac en papier. Sauf que bon, puisque t'as un sac en papier, on sait pertinemment que tu bois de l'alcool. On emballe pas sa bouteille quand on boit du Sprite sur la voie publique. Logique.

J'ai enfin acquis ma fake ID, lors d'une soirée vendredi chez un mec de sciences po. Ça ressemblait vaguement à la soirée avec Vadim et Pierre quand ils étaient là, mais sans Vadim et Pierre, et avec moins de monde.
A leur place, deux américains qui se jettent un peu sur moi parce qu'ils savent qu'on se fait la bise, ils veulent apparemment leur part de french culture. Puis d'autres filles, qui se trémoussent sur du Rihanna. Enfin elles '' grindent '' donc elles se trémoussent sur du Rihanna comme Rihanna, habillées comme Rihanna. Quand elle met son cul en arrière et qu'elle bouge ses hanches. Qu'elle porte une sorte de legging géant avec un imprimé très Keith Haring en guise de pantalon. Donc ça ressemble plus à de l'éveil musculaire qu'à de la danse.

Je m'accroche à ma bouteille de Diet coke parce que je ne suis pas très à l'aise, et un mec me charrie doucement, genre ''haha, tu bois du coca ? T'as des examens médicaux demain ?''; je lui lance un regard mauvais parce qu'il commence à me souler, d'autant plus qu'il se met à détailler toute sa généalogie, 70% irlandais, 20% native, 10% afro,et regarde dubitativement mes mocassins genre sale meuf qui exploite mon peuple de la réserve de minnetonka. On les abandonne quand ils sautent dans un taxi, les filles veulent continuer à se dandiner (si on peut appeler ça se dandiner), mais avec un plus large public, donc direction le métro pour moi.

J'oscille entre l'amour et la haine du métro ici, il y fait 20°C de plus qu'à la surface, des rats partout, et c'est toujours l'occasion d'un choc thermique parce que les wagons sont sur-climatisés. Mais j'aime bien la voix de la fille qui annonce l'arrivée du métro, et celle du mec qui dit de faire attention parce que les portes se ferment. Il s'y passe toujours quelque chose. Cette fois, station 42nd, A.C.E train, des renois prennent des photos d'elles. Elles ont certainement passé la soirée dans ce club sur Times Square, où on peut bruncher le midi, voir Al Green jouer à 19 heures, se croire dans un clip de Dirty South à partir de 22h.
Elles développent les poses, aguicheuses. La croupe en évidence, vas-y que je me cambre au max, que je rentre, sans succès, le ventre, bombe le torse, que je plisse les yeux et prépare ma duck face. Oh, tiens, si je levais la jambe sur la rambarde, ça mettra en avant mon postérieur qui dépasse légèrement de mon slim deux tailles trop petit.

J'ai dû les regarder avec trop d'insistance, car le mec avec elles me demande de garder un oeil sur leurs sacs. Clic clac, clic clac, elles enchainent les poses lascivo-vulgaires en pouffant et lachant des petits cris. Ces filles seront certainement des mamas d'Harlem dans quelques années, tout en ayant les tics des pouffiasses américaines type Abercrombie. Celles qui disent OHMAAGAD toute la journée, qui lâchent des yays et autres petits cris aigus à longueur de journée.

Ils m'ont demandé de les prendre en photos tous ensemble, le mec a pris une pose de PIMP avec sa New Era argentée, les filles se sont collées à lui, il m'a proposé un cookie pour me remercier, mais j'avais pas très faim parce que j'ai mangé une slice dans la meilleure pizza place de la ville, à deux minutes de chez moi. Ils font meme des pizzas aux macaronis, pas dégueulasses du tout.
Une fois dans le métro ils ont continué à prendre des photos, comprenez le potentiel offert par une barre et une rame presque vide. En voilà une qui se lance dans un numéro de pole dance assez ridicule. Je change sur 8 ave, ils me disent Goodbye be safe lalala, je saute dans le L train, et là, la population change, un couple avec des fixies, un mec avec une barbe étonnamment longue et des lunettes de Derrick. Un mec décide de me dédier une chanson, il entonne Eleanor Rigby.
C'est gentil, même si je ne me sens pas bien, parce qu'il me transperce du regard en chantant all the lonely people. Il en fait une autre, Norvegian Wood, il aime bien les Beatles apparemment. Je vois qu'il a quelques billets dans sa guitare, je pense à lui filer un petit $ parce que c'était bien, quand même, mais je n'ai pas de billets sur moi, je me sens un peu con du coup, et il s'en va en souriant, pendant que je descends à Lorimer St, rejoindre mon appart au dessus du Italiano Center of New York.

Mon coloc est rentré du Japon, et de nouveaux hipsters dorment sur le canapé. Celui qui câline son Iphone est de retour. J'ai un peu marché sur tout le monde en rentrant, mais ils avaient l'air contents de me voir. Ma coloc les a virés le lendemain matin, les pauvres.