Monday

chaque matin, le soleil se fait de plus en plus attendre.

amis du soir, bonsoir.

ce post-là va être vite expédié, parce qu'il parle de cours, de la chaleur qu'il fait quand on sort de cours, de l'abrutissante répétition de syllabes entonnées en choeur et d'à quel point je me lève tôt pour me retrouver à la fac (another continent, same shit). parce que, oui, je me lève terriblement tôt, six heures du matin, et même pas pour faire la course avec le soleil, moi hors de mon lit, lui hors de sa pollution. le plus dur, c'est le réveil, parce qu'il fait juste assez bon sous mes draps, et beaucoup trop froid sous l'air conditionné que j'oublie systématiquement d'éteindre, et que je sais pertinemment que la douche va encore mettre cinq minutes à devenir tiédasse, que je n'ai pas grand-chose pour mon petit-déjeuner à part une fin de minute maid orange, et que ce n'est pas encore aujourd'hui que je vais oser goûter l'omelette étrange qu'ils vendent en bas de chez moi. mais bon, life is life, la vieille branche se lève, espère que la douche est libre, elle l'a toujours été jusqu'à maintenant, mes ricains à moi sont plus flemmards que ton cousin qui est en BTS pour vendre de la drogue, et ils n'ont pas vraiment grand-chose à faire de leur vie à part donner des cours à des chinois qui se prénomment superman et michaelbay (sic). la douche est froide, c'est fini en une dizaine de minutes (soit environ trois fois moins qu'en france, je gagne un temps fou pour faire mes lacets). par chance, j'ai encore quelques rice krispies qui implorent ma pitié, ils ont de la chance, c'est le deuxième jour de suite où j'oublie d'acheter du lait. je m'habille vaguement, c'est pas comme si c'était la fashion week dans le bâtiment ices (international cultural exchange student, sisi c'est mon blaze) #2 du campus de handan, hein. après, j'attends toujours un peu dans ma chambre, pour être sûr que mon coloc allemand s'en est allé avant moi, parce qu'il est sympa le jour, mais que son rire nasillard et sa manie à vouloir tout le temps parler est très vite insupportable dès potron-minet.
donc voilà, l'ascenseur du huitième étage me permet de ranger mes clés dans mon sac et de lancer the suburbs sur mon lecteur cd, parce que la qualité est quand même mieux, et que j'en ai pour une heure, donc autant avoir un son décent. dehors, c'est -pour l'instant- toujours chaud lourd humide, et j'ai pas envie d'être en retard comme la moitié de la classe, donc je marche un peu vite, et je ne fais pas vraiment attention à qui que ce soit, excepté au maître de tai-chi qui, tous les matins, fait danser sa veste blanche sur les bords de la rivière suzhou (je déconne pas, c'est merveilleux de le voir). voilà, j'arrive dans le parc du centenaire qui me sert de raccourci, et dès six heures quarante-cinq, c'est blindé, avec des mamans qui font leur forme spéciale de tai-chi, les officiers de police qui siestent dans leur casemate, les vieux en marcel qui me regardent passer, moi et mes cheveux bouclés, et d'autres qui tapent dans leurs mains, debout sur des roches, surplombant les poissons qui se battent pour les bouts de pain d'un petit garçon. un peu plus loin, une fois que j'ai passé l'étang (à ce niveau-là, c'est ready to start qui commence), il y a trois bancs à l'ombre de jeunes marroniers et deux grands portiques en bois où sont fichés, plus ou moins précisément, divers crochets. quand j'y suis passé pour la première fois, la nuit sous la pluie du typhon, je pensais que je me trouvais sur le lieu d'un mémorial au victimes de l'infâme régime de chang kai shek, mais non, à chaque lever du soleil, une cohorte de vieux, avec des souvenirs pleins leurs rides et de la patience plein les poches, viennent se retrouver pour débuter leur journée en amenant leurs oiseaux. doucement, ils les suspendent à la poutre de bois, et se rasseyent pour discuter de ce qui ne s'est pas passé cette nuit, ou pour écouter les oiseaux se raconter ce qui s'est passé cette nuit.
et puis je prends le métro, en passant devant cette échoppe qui vend les pancakes/omelettes du matin, pour deux stations. je sais exactement quelle porte, quel escalier et quel sortie prendre pour optimiser mon trajet. je débarque sur la place nord de la gare ferroviaire de shanghai, cent mètres à faire jusqu'au terminus du bus 942, où il n'y a encore ni contrôleur ni chauffeur au moment où je monte dans le bus. je m'assieds à la meilleure place, celle qui est juste derrière le siège du conducteur, où on peut étendre ses jambes et regarder par la fenêtre, douze arrêts jusqu'à la fac. avant de démarrer, il faut donner sa carte à la meuf dont le titre est "people's security agent" mais qui n'est qu'une meuf avec un brassard, et elle me connaît parce que je suis le seul caucasien sur la ligne à cette putain d'heure donc je n'ai même plus besoin de lui dire que je ne paie que deux kuais parce que je vais jusqu'à fudan. le trajet est un peu long, mais je ne dors pas, je lis parfois, j'écoute arcade fire tout le temps, et je regarde ce qu'il se passe dehors, il se passe toujours des trucs super, des visages improbables, des femmes qui font du troc, des mecs qui lavent leur chien dans la vitrine d'un magasin, des télés qui projettent le logo EXPO2010 non-stop, et des courses entre les taxis verts bleus rouges jaunes.
je sais pas si c'est moi, mais quand j'arrive à fudan, tout le monde dans le bus me regarde bizarrement, le temps que la porte s'ouvre, comme si un étranger n'avait pas forcément le droit d'être dans une université aussi prestigieuse. c'est probablement moi. alors je descends, me fraye un chemin parmi une armée d'étudiants sur une armée de vélos, et il me reste quelques minutes pour rallier mon bâtiment et finir mon cd, au beau milieu d'un campus tout en arbres, en bâtiments de briques et en vélos garés par flots entiers sur les trottoirs. le hall est un peu gris, un peu sombre et par conséquent assez laid, mais le dernier est aussi accueillant que peut l'être une salle avec des fauteuils en bois, des lustres dorés (sortis de je-ne-sais-où) et un nuage constant de fumée d'everlasting pauses clopes. ma classe à moi est au fond du couloir, ma place à moi est au fond de la classe.

la suite un autre jour je suis fatigué j'ai faim.

1 comment:

  1. j'aime l'usage de l'expression potron-minet. Très décalé, un peu Balzacien, c'est charmant.

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