Tuesday

long time no see

seconde partie de "pierre passe une bonne journée à shanghaï".

en fait, ça dépend de l'heure à laquelle j'arrive en cours. parfois, j'ai le luxe d'une cigarette, et je m'assieds dans un de ces grands fauteuils en bois, juste en face de l'entrée, à côté d'un miroir qui sert à toutes les petites brunes à vérifier leurs mèches, encore une preuve que personne n'est vraiment différent. il y a aussi ce type, qui arrive toujours tôt, qui écoute de la musique aussi fort que moi et qui, l'autre jour, avait un tee-shirt mgmt. j'avais bien envie d'aller lui parler, mais il était tôt et il n'y a rien de pire que d'être dérangé quand on écoute un morceau qu'on aime bien avant de commencer une journée de cours. il y a les filles qui montent les escaliers et qui font semblant de ne pas regarder les garçons, et les garçons qui montent les escaliers en regardant les jupes des filles. même après deux semaines de cours, certains s'arrêtent encore devant le panneau d'affichage pour vérifier dans quelle classe ils ont cours. moi, j'ai pris la classe qui ne change jamais de salle (en théorie on n'a pas le droit de choisir sa classe mais c'est une longue histoire), c'est plus simple. généralement, je me débrouille pour mettre un joli gentil morceau de rap quand je me lève pour jeter mon mégot et marcher le long du couloir, genre harder than you think ou house of the flying daggers, ça m'aide à poser mon style.
oui, ça m'aide pas mal parce que, quand je rentre dans la salle, il y a toujours du monde, disons une petite douzaine, la moitié quoi. et ils sont tous super saucés d'être en cours à shanghai et ils vivent pour ces cours et vivent dans la fac et serrent la main à tout le monde à tout le monde en souriant beaucoup même si ils ont une gueule de bois. sauf que j'ai du mal à être communicatif dès le matin, alors je vogue jusqu'à ma table au fond en fixant vaguement le carrelage, et je me dépêche de sortir un livre. là, je lis toujours ulysse, léopold n'en est qu'à l'enterrement, mais je me suis replongé dans lolita parce que je devais le prêter à une allemande, bref. je serre la main aux quelques personnes que je connais, oui, clovis, un français sympa qui est l'archétype (dans le bon sens) d'un président du bde d'une petite mais bonne école de commerce parisienne intra-muros, puis nick, un suisse-italien-argentin qui aime les arctic monkeys et qui regarde des documentaires animaliers quand il rentre chez lui à 5:00am, et andrew, un mexicain inoffensif. et puis une philippine, parce qu'elle est venue vers moi pendant une soirée pour me demander si je parlais, j'ai dit oui, et j'ai parlé et elle a saisi que j'étais pas spécialement bête ou timide, que j'avais juste pas mal la flemme. revenons-en plutôt au fait que je n'ai le temps de lire que deux ou trois pages avant que le prof n'arrive.
on a trois professeurs, dont un prof principal (et quand j'ai dit ça, une larme de nostalgie au coin de mon oeil ému), deux femmes et un mec. le mec, on va l'appeler feichang hao, qui veut plus ou moins dire très bien, excellent (cass-dédi à victoire), parce qu'il dit toujours ça, tout le temps. son record, c'est quatre fois d'affilée. c'est énorme, rendez-vous compte: très bien, excellent, très bien, excellent, très bien, excellent, très bien, excellent. c'est pour ça qu'il est cool, et il met toujours le même polo, ce qui est rigolo aussi, et il a l'air un peu gay, mais juste assez pour laisser planer le doute et juste donner envie d'être pote avec lui. les deux suivantes, c'est un peu laurel et hardy, la grande et la grosse. la grande a une sorte de sourire inversé particulièrement décontenançant, elle ne parle jamais anglais et se contente d'écrire au tableau le numéro des exercices qu'on doit faire pendant une heure et demie. c'est mieux que de répéter ces foutus syllabes, je te l'accorde. la grosse, elle, n'est pas grosse, juste un peu enrobée, et elle est super cool, c'est la meilleure prof principale que j'ai jamais eu, on blague en chinois et la seule chose qu'elle sache dire en francais, c'est "mille mercis", avec une prononciation parfaite, tu peux pas la test. donc voila, elle nous pose des questions sur notre vie réelle (ou est-ce qu'on habite, ce qu'on fait le week-end) et fictionnelle (li da zhong peut-il appeler wang laoshi demain soir ?), et c'est assez interactif pour que je ne sois pas tenté de compter les feuilles de l'arbre en face de ma fenêtre (toi qui croyais que je m'asseyais au fond de la salle pour ne rien foutre, je t'ai bien eu, j'aime avoir une jolie vue quand je travaille, avec un petit étang et des trottoirs et des arbres qui ne vont pas tarder à s'embrunir et à se redorer).
la pause clope, c'est généralement ma pause musique pour eviter de n'avoir rien a dire à des personnes qui aimeraient bien que j'ai quelque chose a dire, mais parfois on discute quand même, et tout le monde est là, les japonais entre eux, les russo-kazakhs entre eux, et les autres mélangés. tout le monde mate un peu du coin de l'oeil la bulgare qui est une blonde superbe sauf moi parce qu'elle discute avec mes potes et que ca lui fera la bite si quelqu'un l'ignore, tiens.
parfois, je marche un bloc jusqu'à la supérette du campus pour acheter des biscuits, ersatz de prince, et du thé glacé au citron, qui me coûtent environ quatre-vingt centimes. et puis retour direct en classe, apres avoir achevé ma clope dans les escaliers (là encore, dédicace émue à tous ceux qui ne peuvent pas fumer dans les escaliers de leur fac), pour une autre tranche de quarante-cinq minutes.
lundi, quand on a aussi cours l'apres-midi, on traverse la route pour s'engouffrer dans le rue du street-food et se gaver de nouilles frites, dans lesquelles il y a de délicieuses choses dont je ne devinerai jamais le nom, après avoir dit bonjour à la vendeuse d'écureuils et de cannetons parce que je veux un putain d'écureuil presque autant que je veux un panda. et puis on va déjeuner devant la statue de mao, parce qu'elle est vraiment foutrement kitsch, et on reprend les cours et je reprends le bus.


voila pour l'article de retard, le prochain sera sur mes apres-midis.

bonne nuit les petits.

4 comments:

  1. Ca a l'air plutot rigolo ta vie à shangai.

    Hate de lire d'autres de tes nouvelles...

    Moi j'écris pas, je fais de la musique: http://tuttifreshy.tumblr.com/

    See u

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  2. Ca faisait longtemps, ça fait plaisir d'avoir des news.

    Donc si je comprends bien, tu as un prof qui dit autant de fois excellent que toi? Excellent!

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  3. Ces bons vieux Li da zhong et Wang laoshi ! C'est génial de lire ça, je me revois à ta place un an auparavant.. Est-ce qu'il y a aussi la dame qui vend des lapins ? On lui en avait acheté un, on l'avait appelé Kévin, et il a disparu au bout de 3 semaines. De l'autre côté d'Handan lu y a des p'tits mecs qui font des sushis/sashimis/makis à des prix à défier toute concurrence, c'est très cool quand t'en auras marre des nouilles.

    PS : moi aussi à la pause j'achetais des fake prince et du thé glacé au citron !!

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  4. Lin Na, Da Wei, et compagnie.

    La vieille est toujours là, oui, je crève d'envie de m'offrir un lapin.

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